Note d'intention

« Né bé ioro nini min yeleen a te sinogo »
Je cherche un lieu où la lumière ne dort pas. Lamine Dembélé

« Mogo ka mogow ka tcha a yere kono »
Les personnes de la personne sont multiples dans la personne. Proverbe bambara

 

Erémia-Erèmia, notre précédent film, nous avait permis de rendre la présence à soi et au monde d’un homme que les conditions matérielles de l’existence – le travail de découpe de viande bovine en usine – rendaient étranger à son corps. Il retrouvait l’identité perdue grâce à la pratique du sport dans une nature propice à la contemplation.
Cette tentative d’appréhender la vie d’un personnage par la description de ses sensations et de ses pratiques est essentielle à notre projet cinématographique. C’est une démarche qui exige une connaissance la plus intime possible du sujet.

Au Mali, l’un d’entre nous a été adopté par une famille qui lui a offert son intimité, sa langue et sa culture. La langue, le bambara, traduite mot à mot, témoigne d’une poésie évidente, reflet de l’altruisme et de la sollicitude qui régissent le lien familial. La culture, présente dans les gestes du quotidien et dans la musique, montre l’omniprésence du sacré qui offre à toute chose du monde connu, matériel ou immatériel, une signification.

Par notre travail auprès d’adolescents issus de classes sociales souvent stigmatisées, nous avons pu accéder à la réalité de certains rapports qui, eux aussi, possèdent leur langage et leurs codes.

Par ce scénario, nous voulions rendre la vie intérieure d’un jeune malien confronté à ce monde dont il n’a aucune connaissance.

Le socle culturel de Modibo est solide d’une tradition orale inépuisable et d’un lien familial et affectif inextinguible ; deux éléments qui lui offrent un monde de significations et de codes qui ont valeur à la fois de mythologie, de morale et d’esthétique. Mais, de la même manière que les astronautes ne rêvent pas de l’espace (Le grenier des rêves, Odile Jacob, 1997, Professeur Jouvet), le champ de significations dont dispose Modibo ne lui offre pas de code pour appréhender le réel qu’il rencontre. De même, la réaction de son entourage, entre la frontière nette, si l’on excepte la présence de la télévision, proposée par le père et le repli communautaire vécue par la mère, ne lui donne pas de clé pour cette compréhension indolore de la vie extérieure.

Ses amis, s’ils peuvent lui enseigner les codes vestimentaires et gestuels de leur environnement, connaissent, finalement, lorsqu’il s’agit de l’essentiel, c’est-à-dire du cœur, de l’amour, les mêmes tâtonnements que lui.

Pourtant, la lumière qui pourrait guider Modibo existe. C’est Nadira. Nadira connaît parfaitement ce monde dans lequel elle évolue sans illusion, mais sereinement. Nadira, par la danse urbaine, a cette grâce du mouvement que possède Modibo par la danse traditionnelle. Cette affinité commune qu’ils entretiennent avec le corps pourrait permettre, entre eux, une rencontre affective qui ferait sésame. Alors Modibo pourrait concilier les réminiscences du Mali et le nouveau champ de significations qu’il côtoie. Nadira, qui s’est habituée à la présence fascinée de ce garçon particulier, n’y serait peut-être pas hostile.

   

 

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