Telle une fiction, Migration Amoureuse raconte une histoire, présente des personnages et se construit sur la base d’une « quête », d’un « challenge » qui implique une dose de suspense. Toutefois, son attache à des éléments réels, regardés avec un point de vue personnel, bien sûr, mais alimentés d’informations objectives lui confère résolument son caractère documentaire. Il s’agit donc d’un film sur l’immigration amoureuse dans la mesure où elle est le moteur des histoires personnelles qui sont suivies, et non le centre. Ce sont les personnages et leur vécu qui demeureront la clé de la trame et qui tiendront le spectateur en haleine, se demandant : « Est-ce que Bruno réussira à immigrer? », « Est-ce que la distance finira par les séparer définitivement? », « Est-ce que Geneviève va repartir aux États-Unis ? ». Par cette chronique intimiste, ils découvriront sans aucun doute des choses qu’ils ne savaient pas sur l’immigration, mais ils auront d’abord l’occasion de suivre et ressentir l’épreuve qu’elle impose à un de ces nombreux couples qui y font face.

Le fil conducteur de Migration Amoureuse demeure l’histoire Bruno. Il est le personnage dont la quête détermine principalement le début et la fin du documentaire, et qui sera suivi de plus près. Il est celui qui est au cœur de sa démarche migratoire, celui qui a passé l’étape de l’hésitation et qui s’est lancé, celui dont la volonté se fracasse contre la bureaucratie. Et, soyons honnêtes, celui qui présente la plus grande proximité d’observation et donc de compréhension de la question. Les histoires de Sébastien et Geneviève évolueront en parallèle, amenant des éléments complémentaires et une ouverture sur l’importance du phénomène.

Lieux
La structure de ce documentaire évite de concentrer le tournage uniquement sur les moments les plus «marquants». Le quotidien prendra lui-aussi une grande place, puisque la situation des personnages se vit d’abord de petites journées. Montréal demeurera le lieu de tournage principal, mais il y aura immanquablement à se déplacer en Belgique pour suivre Bruno. L’appartement que je partage avec Bruno et celui d’Évelyne et Sébastien seront le terrain de nombreuses discussions. Pour aborder le personnage de Geneviève, je compte davantage sur ses lieux de fréquentations (boulot, université, promenade), puisque c’est ceux que nous fréquentons pour se voir (Geneviève demeure en stand-by chez sa mère). Naturellement, Dorval et Mirabel (peut-être plus pour longtemps) seront vedettes, l’aéroport devenant le lieu des déchirements et des passions. Utilisé avec un effet de répétition, on comprendra la familiarité que les amoureux d’étrangers développent avec leur aéroport. Bruno nous entraînera aussi dans les coulisses de ses pièces de théâtre, pour nous ramener très vite dans les cuisines de restos où il est plongeur. Les bureaux d’immigration, les comptoirs de communes belges et les centres d’information feront également apparition dans les lieux scrutés.

Influence
Je n’ai retenu qu'un seul documentaire qui puisse s'approcher de mes intentions de contenu, de forme et de rythme: Family, un film de Sami Saïf et Phie Ambo, d'origine danoise. Sorte de road-movie, ce documentaire suit les démarches d'un jeune homme (le réalisateur, Sami Saïf lui-même) qui souhaite retrouver son père biologique. Tourné par sa petite amie, il s'avère à la fois un film très personnel et divertissant

Par contre, je ne peux m’empêcher de citer le travail très inspirant d’Andrée-Line Beauparlant. Avec Trois princesses pour Roland et Le petit Jésus (deux documentaires dont les sujets sont intimement liés à sa famille et qui présentent ses proches comme personnages principaux), elle a démontré avec brio qu’un sujet approché d’un point de vue intérieur et impliqué avait l’avantage d’être sensible en plus d’informatif. Voilà qui peut rassurer quelques sceptiques de l’intérêt des documentaires personnels…


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