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(petite mise en contexte) La mondialisation, les voyages, Internet… Aucun doute qu’en foulant un sol inconnu, pour une longue ou courte durée, on crée l’occasion de tisser des liens avec la communauté qui l’habite. Ces échanges, ces découvertes, laissent des traces inaltérables dans nos vies et nos sociétés. De la transmission d’une recette de pâté chinois à l’établissement de sa vie future dans le pays visité, la facilité de franchir les frontières de notre planète modifie son paysage. Aujourd’hui, l’Organisation Internationale du travail dénombre plus de 120 millions de migrants dans le monde. Les raisons qui les ont poussés à nouer leur baluchon sont nombreuses et diffèrent beaucoup : raisons politiques, économiques, familiales, culturelles… et amoureuses… Trop souvent oublié comme cause d’émigration, l’amour demeure un levier extrêmement puissant pour quitter son pays, sa patrie, sa famille et ses amis (voir Édith Piaf, L’Hymne à l’amour – www.paroles.net/chanson/10001.1,2e couplet, au moment où la première larme nous coule sur la joue). …Et L’amour !!!! L’utilité de l’immigrant Ainsi, on comprend que les quotas d’immigration que se fixent les pays chaque année fluctuent en regard de l’économie (fermeture des frontières lorsque le taux de chômage est élevé, ouverture lors de baisse démographique, ouverture limitée à des travailleurs des secteurs en demande et même fermeture pour accentuer le nombre d’immigrants illégaux lorsque la demande de travailleurs à bon prix augmente) et non en donnant la priorité à ceux qui ont le plus besoin de quitter leur pays. Les critères de sélection se referment, mais ne sont basés que sur les besoins du pays d’accueil, appuyant la vision de l’étranger comme « un instrument de travail dont la légitimité tient à son utilité pour la machine économique […] et qui n’a guère de valeur en soi. »(
Égalité sans frontière, Les immigrés ne sont pas une marchandise, Les notes de la fondation Copernic, Syllepse, Paris, 2001, p. 9) Plus, l’immigration en soi devient une véritable industrie pour l’État. À chaque demande, chaque visa, chaque petit papier, est relié un coût. La machine crée de l’emploi, non seulement pour les fonctionnaires provinciaux et fédéraux, mais pour les avocats, les conseillers juridiques et malheureusement, pour plus d’un entrepreneur malhonnête. Une fois totalisés, les revenus qu’apporte l’immigration à l’État sont loin d’être négligeables (
« 300 M $ sont récupérés auprès des migrants par le biais de divers frais de service ou de taxes », CAMPEAU, François. Les Nouvelles migrations ; un enjeu européen/ La politique canadienne d'immigration, Editions Complexe, Bruxelles, 2002, p. 97)… et ils ne le sont pas non plus pour l’étranger qui a à y subvenir… On comprend donc qu’être amoureux de quelqu’un, vouloir faire sa vie avec cette personne n’est en rien un argument suffisant à se voir ouvrir les portes du pays de l’élu de son cœur. Cet aspect de la situation migratoire relève bien l’incohérence entre le caractère purement bureaucratique du contrôle de nos frontières et la réalité des échanges humains. Pourtant, la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme des Nations Unies (1949) indique pourtant, en son article 13, que « toute personne a le droit de circuler librement et de choisir sa résidence à l’intérieur d’un État. Toute personne a le droit de quitter tout pays, y compris le sien, et de revenir dans son pays ». Malheureusement, en omettant l’obligation pour tous les États de laisser l’entrée libre sur leur territoire, ce droit s’en trouve neutralisée. Il en résulte que «le décalage entretenu entre la loi en vigueur et le laxisme politique permet de conforter une image de l’étranger qui n’a aucun droit d’être là, ni à ses yeux ni à ceux de l’opinion. Il est toléré par commodité, comme outil. Et la tolérance peut prendre fin à tout moment, au moindre retournement de conjoncture. » ( Égalité sans frontière, Les immigrés ne sont pas une marchandise, Les notes de la fondation Copernic, Syllepse, Paris, 2001, p. 49.). Le candidat est alors projeté dans un calcul de sa valeur humaine reposant sur des critères de sélection pré-déterminés au bénéfice du pays d’accueil. Les avoirs sont un point de départ important, en considérant d’abord les coûts engendrés par une demande d’immigration ( Voir Rapport de recherche, Exemples de coûts de l'immigration, p. 18), puis la possibilité de subsister pendant l’attente des papiers et la recherche d’emploi. D’ailleurs, dans presque tous les cas de demande dans la catégorie des « gens d’affaires », le traitement se fera beaucoup plus rapidement… et en consultant les sommes exigées comme « avoir net » (300 000$ comme entrepreneur et 800 000$ comme investisseur ( Brochure Immigrer au Canada , Citoyenneté et Immigration Canada) ) on comprend qu’il y ait moins de candidats à ce titre… Pour les moins nantis, il reste l’endossement d’un parrain dans le pays d’accueil. Nul doute que celui-ci devra par contre avoir le nécessaire à subvenir à vos besoins ( Voir Rapport de recherche, Exemples de coûts de l'immigration, p.22 ), même à répondre de vos éventuelles dettes, pendant de trois à dix ans. Il y a ensuite le métier exercé : il doit préférablement correspondre à un manque de ressources à l’intérieur du pays hôte. Et s’ensuivent une foule d’autres critères dont l’âge, l’expérience, l’état de santé, le niveau d’éducation… Il y a aussi les accords bilatéraux entre certains pays qui s’ajoutent à ce magasinage de candidats idéaux. Ainsi, il sera plus facile pour un Français que pour un Belge d’immigrer au Québec, simplement grâce aux nombreuses ententes qui unissent les deux pays. Voilà assez pour sentir monter un sentiment d’impuissance devant sa destiné. Cette analyse superficielle de la « valeur » des candidats représente à elle seule une épreuve dévalorisante et humiliante pour celui qui quitte son pays seulement par amour. Bien nombreux sont ceux qui ne franchiront pas cette étape, qui préfèreront l’affliction d’une peine d’amour à l’adversité du contrôle des frontières. Pourtant, on peut supposer avec raison que, sans ces lois restrictives, ils auraient été nombreux à trouver le bon compromis entre les deux pays : les allers-retours conviennent à beaucoup de gens, les boulots à contrats aussi et le partage des sacrifices est certainement plus doux. Mais si on ne peut pas travailler, si on ne peut rester plus de six mois, si on doit avoir un profil pré-déterminé pour être admis, les choses se compliquent… Le mariage ne représente même plus une solution indéfectible, puisqu’il est sujet à un refus s’il pose des soupçons de non-validité aux autorités ( Voir Rapport de recherche, Quelques cas personnels, p. 31). Il semble davantage une ombre additionnelle à un début de relation amoureuse, conclu sous la pression et provoquant la dépendance administrative d’un des conjoints. N’est-il pas légitime de vouloir se connaître et vivre ensemble quelques temps avant de se marier ? Ainsi, la volonté peut peut-être déplacer des montagnes, mais elle aura toujours besoin d’arguments matériels supplémentaires pour déplacer des frontières. Que les voyageurs au cœur libre se le tienne pour dit ! |
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