Ma vision de ce documentaire accorde une grande importance au rythme et à l’action. Je souhaite garder l’auditeur en haleine autant que l’éveiller intellectuellement à la situation de l’immigration amoureuse. Que le récit occupe la place principale, laisse oublier qu’il s’agit d’un documentaire. C'est aussi par le montage que le dosage émotionnel le plus « cinématographiquement intéressant » entre les instants heureux et les plus difficiles, les passages officiels et les moments du quotidien sera installé. En enchaînant par exemple des images arrachées aux petits matins de tous les jours avec celles de l'entrevue dans les bureaux de l'immigration, l'attente devient plus palpable qu'en y allant d’une suite de moments fatidiques.

Caméra
La captation de certaines scènes nécessitera une petite équipe de tournage : une personne au son et une autre à la direction photo. Je pense entre autres aux visites dans les bureaux d'immigration, les institutions où l'on doit aller chercher des informations, les entrevues: toutes les situations plus officielles qui n’appartiennent pas à notre vie à deux, à notre petit cocon. Mais pour tous les moments plus intimes, j'assurerai ce rôle.

Les moyens, le style, iront en accord avec le caractère du film : on est dans la vie privée, le domestique, le quotidien, le personnel. On retourne donc à la base: un traitement simple où l'efficacité prime, qui s'efforce de servir la captation de moments de vie et non de l'art photographique. La proximité s’impose comme un élément essentiel de ce film. Je demeurerai en éclairage naturel tout au long du tournage et opterai assez souvent pour la caméra à l’épaule. …Mais je ne suis pas une fan inconditionnelle du DOGME et je ne souhaite pas encourager la nausée visuelle que peut provoquer une caméra trop indisciplinée, soyez sans craintes…

Montage
L’ébauche du montage définit déjà quelques points importants, comme la suite chronologique des événements, dans le but de créer l'impression d'une réelle attente d'un verdict, d'avancer vers une conclusion inconnue. Plusieurs moyens seront utilisés, définissant mon regard personnel non pas par explications, mais en suggérant, en illustrant. J’envisage une esthétique métissée, insérant autant des photos d’archives personnelles que des documents audio-visuels publics et ayant recours à des enregistrements sonores divers et des inserts d’images ou de matériel hétérogène recueilli pendant le tournage. Les retours dans le passé (rencontre, vie des premiers instants…) seront également possibles grâce aux photos personnelles que je souhaite filmer et récupérer en animation de type Photo-roman. Un montage « serré », alternant les moments au Québec et ceux en Belgique dans la vie de Bruno permettra l’illustration du chevauchement de ses deux vies ainsi que de l’adaptation exigée pour passer de l’un à l’autre (par exemple, en opposant un dépanneur québécois qui refuse catégoriquement de lui vendre une bière parce qu’il est 23:05, aux machines distributrices de bières que l’on trouve partout en Belgique). L’entremêlement entre ses deux pays sera aussi symbolisé, en passant doucement, en fondu, du ciel québécois au ciel belge, pour monter les retours et les départs. Pour immiscer les deux autres personnages principaux, la chronologie des rencontres et l’assemblage de préoccupations communes seront les clés.


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