A cette redoutable question où l'on se sent obligé de fournir une réponse intelligente, les gens modestes ont l'habitude de dire que « c'est parce qu'ils ne savent rien faire d'autre ». Je me creuse le crâne depuis que je suis dans ce train pour Biarritz, mon « chez moi » de mon enfance, et je me revois avec ma première caméra super 8. J'avais 14 ou 15 ans, c'était une Fujica. On se filmait avec mon frère et des potes faisant du surf sur la côte basque et du ski dans la poudreuse hivernale.

Cette caméra et tous nos films ont été volés à Bordeaux alors que j'étudiais dans une école de commerce. En réalité, je n'étudiais pas beaucoup, mais qu'est ce que j'ai pu voir comme film dans cette grande ville aux nombreux cinémas   art et essai (le Jean Vigo, le Salon Jaune...). J'avais peu d'affinité pour la fibre commerciale et financière, et je dois l'avouer, je ne me reconnaissais pas du tout dans la grande majorité des étudiants. Ils n'avaient que des gros mots à la bouche comme « excellence », « zéro défaut », « compétition », « gagneurs »...et moi je découvrais les loosers magnifiques des films du début des années 80 : « Permanent vacation » et « Stranger than paradise » de Jarmush, les Wenders en noir et blanc, Cassavettes au festival de La Rochelle. Je me sentais tellement plus proche de ces gens là, moi qui allait tous les soirs écouter des petits groupes rock dans les bars de Bordeaux. Les personnages de ces films ne rêvaient pas d'être élu Golden Boy de l 'année, moi non plus. Et ces cinéastes semblaient s'exprimer librement, avec sincérité et humilité. Cela m'a fait envie.

Alors, avec le recul, je dirai que c'est sans aucun doute ces moments de plaisir de cinéphile qui m'ont conduit à faire des films. Et à mon tout petit niveau, j'avoue ressentir ces mêmes bonnes sensations quand je suis avec mes amis pour filmer une histoire.

Frédéric Pelle, Octobre 2006

 

 

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