1. int-fin de journée / garage

1A. int-fin de journée / atelier (natures mortes)

Dans un atelier, une lumière de fin de journée passe par les rares fenêtres...

Les cendriers sont pleins, les poubelles débordent d'essuie-mains tâchés de graisse, des canettes de bières vides ont été posées ici et là, autant de vestiges d'une journée de travail qui se termine.

Une radio grésille quelque part. L'espace semble désert, mais on entend la respiration d'un homme, au travail sous une voiture.

On ne voit de lui que ses jambes. Il est en bleu de travail.

1B. ext-fin de journée / quartier, natures mortes

1C. int-fin de journée / atelier

L'homme souffle, pose ses outils dans un grand bruit métallique.

MICHEL (de dessous la voiture)

J'en peux plus...

(plus fort)

Je finirai demain...

Silence.

MICHEL (de dessous la voiture)

T'es pas là ?

Michel fait glisser le chariot sur lequel il est allongé. C'est un jeune homme d'environ 25 ans.

Il se lève. Il s'essuie les mains avec un chiffon tout en regardant à gauche à droite. Il est seul.

Il éteint la radio.

On le suit à travers l'atelier.

Il se dirige vers un bureau, derrière lequel, on aperçoit à travers un Plexiglas dépoli, un homme assis derrière une table.

Michel entre dans le bureau.

1D - int-jour / bureau

L'homme (environ 55 ans) fait une facture.

Il est habillé avec le même bleu de travail que Michel. Il ne lève pas tout de suite la tête.

MICHEL

Bon papa... j'en peux plus... je finirai demain...

PERE

Bon...

Le père lève la tête...

MICHEL

Il est parti Mancier ?

PERE

Monsieur Mancier... Oui, il est parti, il y a une heure...

MICHEL

Il se fait pas chier...

Le père ne relève pas.

PERE

Il est parti à l'autre garage...

Le père retourne à sa facture.

PERE

T'en as encore pour longtemps sur la 205 ?

Michel ramasse un papier par terre et le met sur la table.

MICHEL

Je sais pas... Y a un truc qui cloche... Et c'est pas le cardan...

Le père regarde le papier, sans y prêter trop d'attention.

PERE

Bon on verra ça demain... J'arrête moi aussi... Je finis la facture et j'y vais... Tu passes à la maison manger un morceau ?

MICHEL

Non, on m'attend... Je sors ce soir... Je suis déjà à la bourre.

Pas de déception particulière chez le père, juste un coup d'oeil vers son fils avant de se replonger dans ses papiers.

Michel part.

•  int-soir / garage

2A. int-soir / coin lavabo

Dans un coin du garage, Michel se lave les mains, au dessus d'un lavabo dont le robinet s'actionne avec le pied. Un jus noir s'écoule sur la céramique.

Il s'essuie les mains avec du papier, en regardant vers la rue par la porte du garage, grande ouverte.

Une voiture passe lentement devant le garage, son conducteur le regarde au passage. Michel le suit du regard.

Michel ferme la porte. Il laisse entrouvert.

.../...

2B - ext-soir / devant le garage

natures mortes, la nuit tombe sur le quartier)

2C - int-soir / coin vestiaire puis bureau, puis atelier

Dans un coin vestiaire, Michel   enlève son bleu de travail. Il est en jean et T-shirt dessous. Il passe un blouson. Il voit quelque chose sur un établi ; il ramasse une montre.

Puis il se dirige vers les bureaux.

Son père est toujours là. On le voit assis comme précédemment, à travers une baie en Plexiglas, les yeux plongés dans des papiers.

Michel passe la tête dans la pièce.

MICHEL

Farid a encore oublié sa montre... Je te la laisse là...

Michel la pose sur une table.

Le père lève les yeux vers son fils.

PERE

Ok...

puis :

PERE

Michel ?...   Tu viens à huit heures demain, hein ?... Pas comme ce matin.

MICHEL

T'inquiète.

PERE

Allez... bonne soirée.

MICHEL

Salut P'pa.

Michel retraverse le garage. Il jette un coup d'oeil dans un grand miroir, dans lequel il inspecte son image. Il passe sa main dans les cheveux.

Il sort avec son bleu de travail roulé en boule, qu'il tient d'une main.

Il ferme le battant de la porte du garage...

•  Ext-Soir / Garage

3A. ext-soir puis nuit / devant le garage

Il fait quelques pas sur le trottoir.

La voiture qu'il a vu passer quelques instants plus tôt s'est garée non loin. C'est une petite voiture de ville, neuve.

Un jeune homme en sort, lui fait un signe et s'approche de lui.

Il est habillé simplement, un jean fatigué, une chemise, une paire de tennis à la mode.

Une voiture passe...

JEUNE HOMME

Excusez-moi... Bonsoir...

MICHEL

Oui ?...

Dans la voiture, la chevelure d'une jeune femme, assise sur le siège passager, est visible à travers le pare-brise. Elle se retourne un instant vers eux.

JEUNE HOMME

... juste un petit renseignement...

MICHEL

Oui ?...

JEUNE HOMME

Vous savez où je peux acheter un bleu de travail comme celui-là, dans le coin ?

Du regard, il montre le bleu que Michel tient dans sa main.

Michel suit le regard vers ses propres mains. Il hésite, puis :

MICHEL

Un bleu ?

JEUNE HOMME

Oui...

Le visage de Michel qui était assez avenant, se referme...

MICHEL

Si c'est une blague, je suis désolé, j'ai pas le temps...

JEUNE HOMME

Non, c'est pas une blague, je vous assure...

Michel qui avait commencé à contourner le jeune homme, s'arrête dans son élan.

JEUNE HOMME

... j'imagine que ça s'achète dans une grande surface...

...mais je connais pas le coin.

MICHEL

Oui... Il y a un Leclerc là-bas... (il regarde sa montre) Mais c'est trop tard pour ce soir...

Michel s'apprête à partir, mais...

JEUNE HOMME

Excusez-moi, mais... à cette heure-ci, vous savez pas

où je pourrais en trouver par ici ?

MICHEL

Non... tout est fermé... C'est si urgent ?

JEUNE HOMME

(hésitant)

Oui... j'en ai besoin ce soir...

MICHEL

Non, je vois pas...

JEUNE HOMME

Et... je sais pas, je dis peut-être une connerie, mais vous, par exemple, vous pourriez pas m'en vendre un ?

MICHEL

...

JEUNE HOMME

Vous en avez pas d'avance ?... que vous pourriez me vendre ?

Michel est surpris, mais se force à rester impassible : il se demande manifestement à quoi cet homme joue...

MICHEL

Vous voulez m'acheter un bleu ?...

JEUNE HOMME

Oui, enfin, je sais pas. Si vous êtes d'accord...

Ça me rendrait service...

Michel, surpris, laisse échapper un rire.

Michel dévisage son interlocuteur, il jette un oeil discret vers la chevelure qu'on aperçoit dans la voiture...

MICHEL

Vous en avez besoin ce soir ?

JEUNE HOMME

Oui...

MICHEL, pince-sans-rire

C'est une urgence...

JEUNE HOMME

Oui... en quelque sorte.

Michel jette un oeil vers la voiture.

MICHEL

Vous avez un problème de voiture ?...

Le jeune homme hésite à répondre...

Mais il sent que s'il ne poursuit pas, il ne parviendra pas à ses fins.

JEUNE HOMME

Non. C'est pas pour travailler... Pour être franc.... c'est pour une soirée...

MICHEL

...

JEUNE HOMME

Je vais à une soirée... Là, tout près... C'est une soirée déguisée... J'ai horreur des déguisements... ça m'emmerde... J'ai rien prévu, je me viens de me faire jeter...

Michel reste impassible.

Le jeune homme surveille sa réaction. Il poursuit.

JEUNE HOMME

... Sans déguisement, j'entre pas... Et c'est vraiment important pour moi, d'y entrer... (il se retourne une seconde vers la voiture, dans laquelle est assise la jeune femme). En passant, tout à l'heure, je vous ai vu, j'ai pensé que...

MICHEL

... vous avez pensé quoi... ?

JEUNE HOMME

J'ai pensé... ils vont tous arriver en duchesses... en James Bond... enfin, bref... Je me disais... Ça m'aurait fait marrer d'arriver là-bas en bleu de travail... Histoire de les faire un peu chier...

Silence pesant.

JEUNE HOMME

(souriant)

Ça me dépannerait quoi...

MICHEL

Ça vous dépannerait...

JEUNE HOMME

Sans jeu de mot...

MICHEL

...

JEUNE HOMME

Je peux vous l'acheter un bon prix... Le moindre costume à la location, pour une soirée, on peut en avoir pour cent, deux cents euros... Voire plus...

MICHEL

...

JEUNE HOMME

Ça serait combien un bon prix ?

MICHEL

Je sais pas... J'en vends pas souvent...

Le jeune homme sourit.

JEUNE HOMME

Deux cent euros ?

Michel regarde la voiture, on voit un bout de la chevelure de la passagère...

Moment de flottement.

Le jeune homme regarde Michel, puis regarde le bleu.

JEUNE HOMME

Deux cent euros... Ça pourrait aller ?

MICHEL

Oui...

JEUNE HOMME

J'ai aucune idée de ce que ça vaut...

MICHEL

Je vois ça...

JEUNE HOMME

(il interroge Michel du regard)

C'est trop ?...

MICHEL

(amusé)

C'est pas grave...

JEUNE HOMME

C'est d'accord alors ?...

Le jeune homme sort son portefeuille de sa poche de pantalon, il en retire quatre billets de 50 euros, tout droits sortis d'un distributeur.

Il les tend à Michel.

JEUNE HOMME

C'est tarif de nuit...

Les billets passent d'une main à l'autre... une main propre, et une main encore marquée par le cambouis, avec des ongles cernés de noir.

JEUNE HOMME

Merci... C'est sympa. Vous me sauvez la soirée...

Michel jette un oeil à son bleu de travail...

MICHEL

(à propos du bleu)

Je vais aller en chercher un propre...

Celui-là est dégueulasse, je l'embarquais pour le nettoyer...

JEUNE HOMME

Ah non, non... vous embêtez pas...

MICHEL

Il est vraiment sale. A ce prix là... c'est sans la graisse...

JEUNE HOMME

Non, mais je préfère avec...

MICHEL

...

JEUNE HOMME

Je préfère autant avec un peu de graisse, tant qu'à faire... pour me frotter aux duchesses...

MICHEL

(indifférent)

Bon.

Michel tend son bleu à l'homme.

L'homme s'en saisit, et toujours le portefeuille à la main, il déroule alors le bleu devant lui.

Il le fait pendre devant lui à partir du menton, pour en estimer la taille.

JEUNE HOMME

C'est parfait...

Michel le regarde, impassible.

JEUNE HOMME

On fait à peu près la même taille...

(il s'interrompt)

Le regard du jeune homme est attiré par quelque chose dans le dos de Michel...

Michel se retourne. Son père est là, immobile, en bleu de travail, dans l'entrebâillement de la porte du garage. Il regarde la scène, crispé, visage fermé et mâchoires serrées.

3B. ext-nuit / devant le garage

Le jeune homme, gêné, prend le bleu de travail dans une main, et regarde à nouveau le père de Michel.

Le père s'avance.

JEUNE HOMME

Bonsoir...

Le père quitte son fils du regard et fixe le jeune homme de façon franchement hostile.

PERE

...

JEUNE HOMME

Bon. Je vais y aller...

MICHEL

Ok.

PERE

(au jeune homme)

Vous lui avez acheté combien le bleu ?

LE JEUNE HOMME

...

Il est surpris par la question ; il cherche le regard de Michel.

Michel se retourne vers son père un instant. Michel est calme, impénétrable.

PERE

Vous lui avez acheté combien, si c'est pas indiscret...

JEUNE HOMME

Deux cent euros.

Le père regarde le jeune homme avec le bleu à la main.

JEUNE HOMME

Bon...

MICHEL

...

PERE, au jeune homme, avec une colère contenue

C'est pour vous déguiser en garagiste ?

Le malaise est immédiatement perceptible.

Le jeune homme s'en rend compte.

JEUNE HOMME

...en quelque sorte...

PERE, au jeune homme, avec une colère contenue

Vous voulez pas un peu de cambouis sous les ongles...

Non ?

Le jeune homme est interloqué, mais il sourit.

PERE

Ça fait très garagiste... Regardez... (il montre ses mains)

JEUNE HOMME

...

PERE

Ou alors un marcel... qui sent bien la sueur, non ? pour...

MICHEL, il l'interrompt

Arrête, va... Arrête...

PERE

...

Le père avance vers le jeune homme.

Un moment de silence et de malaise.

JEUNE HOMME

(gêné)

Ecoutez... vous devriez pas le prendre comme ça...

PERE

(au jeune homme)

Non ?...

Vous venez ici pour acheter un bleu ? ... Pour vous déguiser... Vous trouvez pas ça indécent ?

Le jeune homme ne sait quoi répondre.

PERE

Toute ma vie j'ai travaillé avec ça sur le dos...

JEUNE HOMME

...

PERE

Vous dites rien ? ... Ça vous fait marrer ?...

JEUNE HOMME

Non. Je pensais offenser personne.

Le père acquiesce, dubitatif, toujours avec cette colère rentrée.

Il se tourne vers Michel, s'approche de lui.

PERE (à Michel)

Et toi, tu lui vends ton bleu pour qu'il aille faire le con... ça te dérange pas ?

MICHEL

Tu fais une histoire pour rien...

PERE

(à Michel)

Pour rien ?... On se fout de ta gueule, tu t'en fous ? T'as pas de fierté ?

MICHEL

J'en mets pas dans ce bleu en tout cas...

PERE

...

JEUNE HOMME

Bien... Je suis désolé de...

PERE

Tu la mets où alors ?

MICHEL

Tu veux pas attendre deux minutes ?

JEUNE HOMME

Oui, je vais y aller...

Je suis désolé.

Le jeune homme mal à l'aise commence à s'éloigner.

PERE, il poursuit, indifférent à ce que dit Michel

Tu la mets où alors ?... Tu donnes quoi d'autre pour deux cents euros ? ... Elle commence où ta fierté, bordel ! Hein?

MICHEL, il hurle

Là...

Silence.

L'explosion de Michel a pour effet de stopper net la logorrhée du père.

Michel montre le trottoir qui passe devant le garage, comme une frontière.

MICHEL

Elle commence là, ma fierté... Là.

Mais pas ici (il désigne du bras le garage) . Là j'en ai pas... Parce qu'il y a pas de quoi être fier.

PERE

...

Silence.

Le père regarde Michel, mâchoires serrées, tremblant de colère.

Le jeune homme est resté planté là, en retrait...

Il regarde la scène, le bleu à la main.

Il s'apprête à retourner à sa voiture.

Quand son regard croise celui du père.

Il baisse les yeux... Il se retourne et commence à s'éloigner...

PERE, au jeune homme

Attendez... Une minute, s'il vous plaît... Vous m'attendez ?

Le jeune homme s'arrête.

Le père tourne les talons et entre dans l'atelier.

Le jeune homme regarde vers la passagère, et refait quelques pas vers le garage.

JEUNE HOMME

(à propos du bleu)

Je vous le rends ?

MICHEL

Surtout pas.

JEUNE HOMME

Je fais quoi ?

MICHEL

Vous n'avez qu'à y aller...

Le père ressort.

Il se dirige vers le jeune homme, calmement.

Le jeune homme regarde le père approcher. Dans sa main droite, des billets.

PERE

Je vous l'achète, vous voulez bien ?

JEUNE HOMME

(surpris, il ne répond pas)

...

Le père lui tend les billets.

PERE

Je vous le rachète le même prix. Ça vous va, le même prix ?

Le jeune homme regarde le père, sans se vexer.

PERE

Deux cents, c'est ça ?

Le jeune homme rend le bleu au père.

Le père lui donne deux billets de cent euros.

Le père remercie d'un geste de tête. Il regarde le jeune homme dans les yeux, comme s'il le regardait pour la première fois. Sans sympathie, sans hostilité.

Le père repasse devant Michel et lui jette son bleu aux pieds.

Il retourne vers le garage et claque la porte derrière lui.

Le jeune homme retourne vers sa voiture.

JEUNE HOMME

Bonsoir.

3C. ext-nuit - devant le garage

Il monte et démarre.

La voiture partie, Michel se retrouve seul. Il s'approche de la porte du garage et met un grand coup de pied dedans...

Le père à l'intérieur du garage, éteint les lumières, éteint les petites enseignes, seule la grande reste allumée.

MICHEL

(il crie)

Putain, mais de quoi t'es si fier ?

Devant le garage, Michel hurle.

MICHEL

Tu me fais chier avec ta putain de fierté...

Le père ressort.

PERE

Tu me fais honte, t'entends ?... T'entends ? tu me fais honte...

MICHEL

...

PERE

Je t'ai rien appris, rien... T'es vide. T'es une coquille vide... T'en as rien à foutre de rien...

MICHEL

...

PERE

...

Michel part ramasser le bleu par terre. Il retourne vers son père.

MICHEL

Et toi, tu m'as pas fait honte, là, tu crois ?

Michel défie son père du regard.

MICHEL

(il désigne le bleu)

T'as bossé toute ta vie avec ça sur le dos... Et il faudrait s'extasier... Mais moi, c'est vrai, je m'en fous... Tout le monde s'en fout.

Il le jette au pied de son père.

MICHEL

(dans un énervement croissant)

Tu m'expliques la vie... Qu'est-ce qui fait que tu peux expliquer la vie à quelqu'un ? Au nom de quoi ? Qu'est-ce qu'elle a ta vie de si extraordinaire ?

Le père encaisse, reste muet.

Il ramasse le bleu. Regarde son fils, froidement :

PERE

Remets pas les pieds ici...

Il ferme la porte derrière lui.

On entend une autre porte claquer.

MICHEL

(il hurle)

T'as de la fierté, parce que t'as rien d'autre...

Mets le sous verre ton putain de bleu.

Michel se met à marcher. Il traverse la rue et s'éloigne dans une ruelle.

Dans son dos, l'enseigne du garage s'éteint.

•  Int-Soir / Garage

Nous sommes à l'intérieur du garage, avec le père.

Il est proche de l'interrupteur de l'enseigne qu'il vient d'éteindre.

Il éteint encore une lumière ; c'est la pénombre.

Le père passe en marchant devant une glace; il revient sur ses pas, et regarde son reflet dans la glace, lui, debout, en bleu de travail. Il a les larmes aux yeux.

Il jette le bleu de Michel par terre.

Il commence à enlever le sien.

Difficilement.

Il semble exténué.

Il finit par l'enlever. Il part l'accrocher à un portemanteau dans le coin vestiaire.

Il revient, ramasse celui de son fils et l'accroche à un autre portemanteau.

Il retourne dans l'atelier.

Il regarde le garage tout autour de lui.

Il va éteindre une lumière.

Il s'assoit.

Il respire.

Il retrouve son calme.

On reste avec lui, avec son visage, qui passe doucement de la colère, à la fatigue, la lassitude.

Sa respiration devient plus lente, plus régulière.

Il regarde l'atelier, les voitures, les outils, des détails insignifiants.

Il se lève. Il s'essuie les mains en tournant le dos à la porte.

Puis, on entend un bruit. (il ne se retourne pas)

La porte principale du garage s'ouvre.

Michel revient.

Il s'approche doucement...

Les deux hommes se font face un instant sans se parler...

Puis, Michel sort de sa poche les deux billets que le jeune homme lui avait donné.

MICHEL

Tiens...

Je peux pas partir avec...

Il lui tend les deux cents euros.

Mais le père ne les prends pas.

MICHEL

Prends les, s'il te plaît...

PERE

...

MICHEL

Je te jure que si tu les prends pas, je viens pas demain...

Silence.

PERE

Pourquoi tu viendrais demain ?

MICHEL

Je viendrais parce qu'il faut bien vivre...

PERE

...

MICHEL

Tu veux pas ?

Le père reprend les billets.

Ils se regardent un instant.

Avec intensité. Sans haine. La colère est partie, mais reste une abîme d'incompréhension.

Michel va chercher son bleu accroché à un crochet, et part sous le regard de son père.

NOIR.

 

 

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