ScŽnario  de Namir ABDEL MESSEEH

et Erick MALABRY

 

Version du 25 fŽvrier 2001

RŽsidence dĠŽcriture – CECI

Consultante scŽnario – Emmanuelle MOUGNE


 

 

synoPsis

 

 

Balthasar (9 ans) vit dans une modeste famille de vignerons catholiques.

Son grand-pre vient de mourir. Toute la famille se rŽunit autour du dŽfunt. 

Maurice, le pre de Balthasar, rongŽ par le travail et les principes, est incapable de donner ˆ sa famille la moindre preuve dĠamour.

Balthasar comble cette absence dĠamour par une croyance absolue en Dieu. Il est convaincu que Dieu est partout. Le fait mme dĠavoir une mauvaise pensŽe devient pour lui un crime.

Mais lĠarrivŽe de Simon, son oncle, en opposition complte avec le reste de la famille, agit comme catalyseur et plonge Balthasar dans le douteÉ

 


1 -  ecole ELEMENTAIRE - SALLE DE GYMNASTIQUE / Int. jour

Dans un vieux gymnase en bois, froid et poussiŽreux, une vingtaine dĠenfants ‰gŽs de huit ˆ dix ans,  court autour du terrain. Leurs pas rŽsonnent sur le sol.

LĠŽclairage blanc des nŽons illumine les couleurs trs vives du gymnase.

professeur 

Allez ! Encore un tour.

Respirez! Respirez!

Balthasar (9 ans), dans son survtement vert reinette, court, ˆ la tra”ne.

Le regard de Balthasar est fixŽ sur une petite fille blonde qui court ˆ quelques mtres devant lui, Fanny.

professeur (off)

On sĠendort lˆ ! Ca va pas du tout a !

Le professeur tape dans ses mains pour dynamiser les enfants.

Nordine (essoufflŽ)

Il donne des ordres. Mais on le voit jamais courir, lui.

Nordine, malgrŽ sa corpulence, accŽlre le pas et dŽpasse Balthasar.

Coup de sifflet. Les enfants sĠarrtent.

Les Žlves sont maintenant assis sur le parquet. Quelques-uns restent debout.

Deux enfants  finissent de descendre dĠune corde avec aisance.

professeur

Magali, 18 secondes. CĠest bien.

Yannick, 23 secondes. Bravo !

Balthasar est assis derrire Fanny qui rigole avec Sonia.

Fanny sent le regard de Balthasar posŽ sur elle. Elle tourne la tte et le regarde de ses yeux bleus.

Fanny

QuĠest ce quĠil y a ?

Balthasar

On a bibliothque ou piscine demain ?

fanny

TĠas pas lu ton emploi du temps ?

Balthasar, intimidŽ, fait un signe nŽgatif de la tte.

sonia (A fanny)

CĠest normal. Ca lit pas les grenouilles !

Fanny se tourne vers Sonia en Žclatant de rire.

professeur

Balthasar et Nordine. A vous.

Balthasar et Nordine, sĠavancent et saisissent les cordes.

professeur

Attention. Prt. Partez !

Ils commencent ˆ grimper ˆ la corde sous les encouragements et les railleries de leurs camarades.

Nordine, handicapŽ par son poids, sĠarrte aprs deux cordŽes et reste suspendu ˆ sa corde. 

Balthasar continue, tant bien que mal.

Nordine, rouge comme une pivoine, grimace sous la douleur avant de tomber, le cul par terre. Toute la classe Žclate de rire.

Balthasar, du haut de sa corde, regarde le groupe hilare.

professeur

Allez, a suffit !

(Ë Nordine)

Retourne ˆ ta placeÉ

Nordine se lve et rejoint les Žlves.

Le professeur se tourne vers Balthasar.

professeur

Et toi, tu comptes passer la nuit lˆ-haut ?

Balthasar, cramponnŽ ˆ sa corde, regarde le professeur.

professeur

Allez, descends !

Balthasar reste suspendu.

Les regards des enfants sont fixŽs sur lui.

Balthasar ne fait plus attention ˆ eux. De son regard, il balaye le gymnase.

 Le bruit dĠune porte qui sĠouvre lui fait tourner la tte. Balthasar voit alors entrer Maurice, quarante-cinq ans, engoncŽ dans un costume noir.

Maurice sĠarrte prs de lĠentrŽe. Il voit Balthasar en haut de sa corde. Son regard est sombre.

Balthasar, sans un mot, descend de sa corde.

2 -   LA VILLE - Une rue / ext. jour

Balthasar, en survtement, son cartable sur le dos, marche ˆ c™tŽ de Maurice.

Il fait trs froid. La vapeur sort abondamment de la bouche de Balthasar. Son pre semble ne pas tre touchŽ par la rudesse de lĠhiver.

3 -  SALON maison maurice / int. jour

Catherine (35 ans) tout de noire vtue, est au tŽlŽphone, le regard tournŽ vers lĠextŽrieur.

Catherine

Ca faisait un momentÉ

CĠest comme aÉ quĠest ce que tu veuxÉ

Non pas du tout, nonÉ dans son sommeilÉ CĠest Maurice qui sĠen est rendu compteÉ

Maurice et un vigneron (60 ans), sont attablŽs. Ils discutent ˆ voix basse. Une bouteille de vin est posŽe sur la table.

Du fond du salon, sortant de la pice voisine, quatre vignerons, ‰gŽs dĠune cinquantaine dĠannŽes, leur chapeau ˆ la main,  se dirigent vers Maurice.

Catherine

Bon. Tu diras ˆ maman que je la rappelle.

Catherine quitte son tŽlŽphone. Elle se dirige vers la table et commence ˆ remplir des verres.

vigneron 1

Surtout, si tu as besoin dĠun coup de main, pour la chaussŽe, on est lˆ.

Maurice

Merci.

Les vignerons vont se servir.

vigneron 1

Tout seul, tu vas avoir du mal Maurice.

Maurice

Ca ira.

Le vigneron a un geste de dŽsapprobation.

vigneron 2

Et le petit, il prend rien ?

Balthasar, sagement assis dans un coin de la pice, dŽtonne un peu avec son survtement aux couleurs vives.

Catherine 

Il boit pas.

Vigneron

Tu fais tout comme ton pre, toi.

Balthasar se lve. Catherine lui passe la main sur la tte.

Balthasar

Je peux y aller ?

Maurice acquiesce, Balthasar se dirige vers la chambre et en ouvre la porte dĠentrŽe.

4 -  CHAmbre mortuaire / Int. soir

Balthasar entre dans la chambre mortuaire.

Les rideaux sont tirŽs. Victoire (70 ans) est assise prŽs de la fentre, en contre-jour, enveloppŽe par lĠobscuritŽ de la pice.

Balthasar regarde sur sa gauche et dŽcouvre le lit sur lequel repose le corps blanc et sec de son grand-pre.

Victoire les larmes aux yeux regarde le corps de son mari.

Balthasar

MamieÉ

Il sĠapproche tout prs dĠelle.

Victoire

Toi aussi tu es tristeÉ

Les larmes aux yeux, elle le prend dans ses bras, et le serre contre elle.

Balthasar se tient raide comme un piquet. Victoire lĠembrasse.

Balthasar

ArrteÉ

Balthasar, gnŽ se dŽgage de lĠŽtreinte de sa grand-mre. Il sÔessuie la joue.

Balthasar

Bonne nuit Mamie.

Victoire

Bonne nuit, mon chŽri.

Puis il se tourne vers le mort.

Balthasar

Bonne nuit Papy.

Il se recule et sort de la chambre.

5 -  chambre Balthasar - int. nuit

Balthasar, vtu dĠun pyjama bleu ciel, est assis sur le lit de sa chambre. Il tient dans sa main un jeune caneton quĠil passe et repasse sur son visage.

Balthasar

Tu es le plus gentil, toiÉ

Puis il se lve jusquĠˆ sa table de travail.

Avec un stylo feutre noir, il Žcrit sur le dos du caneton.

Balthasar

VoilˆÉ comme a je ne te confondrai plus avec tes frresÉ heinÉ Mo•seÉ

Balthasar dŽpose le caneton dans une grande bo”te amŽnagŽe de pailles et dĠherbes, o deux autres canetons sont posŽs.

Balthasar

Toi aussi tu as soif ?

Balthasar prend un des canetons et lui plonge la tte dans un petit seau dĠeau.

Balthasar

Allez. Bois.

Le caneton se dŽbat.

Balthasar

Si tu es obŽissant, je tĠappellerai Pierre.

Balthasar repose le caneton dans le cageot ˆ lŽgumes, et place un couvercle en carton dessus.

Balthasar

Bonne nuit, mes chŽris.

Balthasar, pieds nus, monte sur son lit et se met ˆ genoux devant une ic™ne reprŽsentant le Christ. Il commence sa prire. Tte baissŽe.

Balthasar, sa prire terminŽe, relve les yeux vers le crucifix. Il reste quelques instants plongŽ dans ses pensŽes.

Puis il se lve et embrasse les pieds du Christ.

6 -  chambre balthasar - int matin

Le regard baissŽ, Balthasar reste figŽ devant le miroir de son armoire. Il porte un pull jacquard bleu marine et un pantalon de velours. Un soleil dĠhiver inonde la chambre. Son cartable est posŽ sur le lit. Dans le reflet du miroir, on voit Catherine entrer, et fermer brusquement les fentres.

Catherine

Tu vas finir par  attraper froid !

Elle ouvre lĠarmoire dĠo elle sort un gilet vert.

Catherine

Tiens. Depche-toi.

Catherine aide Balthasar ˆ retirer son pull pour lui enfiler son gilet. Balthasar se laisse faire.

Catherine reprend sa brosse et coiffe rapidement Balthasar.

Balthasar

Je commence quĠˆ neuf heures.

Catherine

Tu ne vas pas ˆ lĠŽcole Balthasar.

Balthasar

Et ma rŽdaction ?

Catherine se lve.

 Catherine (off)

Allez dŽpche-toi.

Balthasar, dans son pull trop petit se regarde dans le miroir.

7 -  eglise / int jour

Balthasar arpente lĠallŽe principale de lĠŽglise. Il regarde les murs, et le plafond.

Au loin, une chorale de jeunes garons, dirigŽe par un organiste entame un chant a capella.

Balthasar sĠapproche de lĠautel, o brillent quelques cierges.

Il allume un cierge, regarde la flamme vaciller.

La chorale sĠarrte.

Au fond de lĠŽglise, Catherine et Maurice sont en discussion avec le pre Jean.

Balthasar se tourne devant lĠautel et sĠagenouille en faisant le signe de croix. Un sentiment de bien-tre se dessine sur son visage.

Un enfant de chÏur (13 ans) sĠapproche de lĠautel pour y poser des cierges.

enfant de choeur

Pourquoi tu chantes pas avec nous ?

Balthasar

Mais je chante. Dans ma tte.

enfant de choeur

CĠest dommage. Personne tĠentend.

Balthasar

Bien sžr que si.

Tandis que lĠenfant de chÏur le regarde mŽdusŽ, Balthasar, sžr de lui, sĠŽloigne.

Le bruit de ses pas rŽsonne sur les dalles.

8 -  place de Eglise /Ext. jour.

La camionnette de Maurice est garŽe devant le cafŽ de la place.

A lĠarrire, Maurice dŽcharge une caisse de vin. Balthasar regarde son pre travailler.

Maurice

Et de cinq !

patron

Merci Maurice.

Le patron, dont on ne voit que les mains,  sort de sa poche quelques billets que Maurice prend et met directement dans sa poche.

Balthasar observe la transaction.

PAtron

Tu viens prendre ton cafŽ ?

Maurice

Pas aujourdĠhui.

Patron

Allez Maurice. Viens.

Maurice indŽcis regarde Balthasar.

9 -  cafŽ / Int. jour

Balthasar et son pre sont attablŽs prs de la fentre.

Maurice

La  seule chose qui compte dans la vie Balthasar, cĠest le travail.

Le serveur arrive et apporte les consommations.

Maurice

MerciÉ

Le serveur sĠŽloigne.

Maurice

Arrte de regarder par terre. Lve les yeux.

Balthasar regarde son pre.

Maurice

Y a des gens qui sĠenrichissent sans travailler, qui pensent quĠˆ sĠamuser, ˆ profiter de la vie. Parce que ce sont des gens faibles. Tu comprends ?

Balthasar acquiesce, en baissant ˆ nouveau le regard.

Maurice

Ton grand pre il a prŽfŽrŽ rester digne. 

Et a a ŽtŽ trs dur. 

Mais il  avait raison.

Maurice se lve.

Maurice

Ne lĠoublie pas.

Balthasar lve les yeux et regarde son pre se diriger vers le comptoir avant de dispara”tre de sa vue.

A deux tables de Balthasar, assise sur la banquette, une jeune femme allaite son enfant. Elle sourit ˆ son bŽbŽ, lui parle doucement.

Le regard de Balthasar glisse vers le sein nu de la jeune femme.

Elle lve les yeux vers Balthasar et lui adresse un joli sourire.

Balthasar fuit son regard.

Dehors, ˆ travers la vitre Balthasar voit Maurice discuter avec Catherine.

10 -         Route de campagne / ext. jour

Balthasar est assis entre Catherine et Maurice, qui conduit.

Balthasar suit des yeux les arbres nus qui dŽlimitent les terres. Les plants de vignes, fra”chement taillŽs semblent sĠŽtendre ˆ lĠinfini.

Quelques corbeaux sĠenvolent au passage de la camionnette.

Maurice

Alors ?

Catherine

CĠest 15 000. Avec les enluminures. CĠest exactement le mme quĠˆ Chaulay.

Maurice

Il est capitonnŽ ?

Catherine

Oui.

Catherine regarde par la fentre. Le paysage dĠhiver se reflte sur son visage. 

Maurice (off)

QuĠest ce que tĠen penses ?

Catherine ne rŽpond pas. Maurice se tourne vers Catherine.

Maurice

CĠest mon pre ! Je vais pas lĠenterrer entre quatre planches !

Catherine se tourne vers Maurice.

Catherine

JĠai vu Simon.

Maurice reste un temps sans rien dire.

Balthasar

CĠest qui Simon ?

Maurice

CĠest personne.

11 -        cuisine puis chambre / int. jour.

Victoire debout devant la cuisinire regarde frŽmir lĠeau dans la casserole. Balthasar, assis prs de la fentre, lit la Bible ˆ voix haute. 

Balthasar

L'homme de bien a disparu du pays, et il n'y a plus de juste parmi les hommes. Ils sont tous en embuscadeÉ

Balthasar relve la tte de sa Bible illustrŽe.

Balthasar

Ç Embuscade È, a veut dire cachŽ?

Victoire

Fais voir.

Balthasar apporte le livre ˆ Victoire, qui chausse ses lunettes et reprend.

Victoire

Ils sont tous en embuscade pour verser le sang. Chacun tend un pige ˆ son frre. Pour faire le mal, leurs mains sont habiles.

Ca veut dire que le mal est partout, ˆ lĠintŽrieur de chaque individu.

Balthasar

Mme toi ?

Victoire

Je suis comme tout le mondeÉ

Victoire rend son livre ˆ Balthasar. Ils sortent de la cuisine et traversent le couloir.

Balthasar

Moi, plus tard, je voudrais tre comme Mo•se. JĠirai vivre dans le dŽsert. Dans une cabane en pierres. Et je mangerai que du pain avec du miel.

Victoire

Toi, tu es un ange Balthasar. Tu as le cÏur purÉ

Une sonnerie retentit. Balthasar sursaute.

Il se lve, traverse le sŽjour et prend le couloir jusquĠau vestibule.

En ouvrant la porte dĠentrŽe, Balthasar se fige.

Devant lui, un homme, approchant la quarantaine le regarde.

Balthasar

TĠes qui ?

Simon

Et  toi. TĠes qui ?

Balthasar regarde lĠhomme en fronant les sourcils, puis lui ferme la porte au nez.

La sonnerie retentit ˆ nouveau.

Balthasar escalade ˆ toute vitesse les escaliers.

ArrivŽ en haut il voit sa grand-mre sortir de la chambre  et se diriger vers lĠentrŽe. 

En ouvrant la porte, elle reste interdite.

Victoire   

Simon...

Ils se regardent hŽsitants, puis elle avance lŽgrement vers lui. Ils sĠenlacent.

Simon

MamanÉ

Ils se dŽtachent.

Victoire

Entre.

Elle referme la porte derrire lui.

Simon

Tu es seule ?

Victoire

Oui.

Simon

Et Maurice ?

Victoire

Il va pas tarder.

Je suis contente que tu sois lˆ.

Simon

Comment a sĠest passŽ ?

Victoire

     (Haussant les Žpaules)

OhÉ

Tu veux le voir ?

 

Victoire accompagne Simon jusquĠˆ la chambre mortuaire.

Balthasar, derrire les barreaux de lĠescalier, les suit des yeux, intriguŽ.

Il voit la porte de la chambre se refermer derrire eux.

12 -        salle de bain / Int. soir.

Le soir tombe. De la fentre de la salle de bain, Balthasar nu, regarde son pre travailler la vigne, et retourner la terre entre les plants. On entend couler lĠeau du bain. Balthasar fait glisser le rideau de la fentre, puis se dirige vers la glace de la salle de bain.

De sa main gauche, il essuie la buŽe sur le miroir et se regarde. Il prend le tube de mousse ˆ raser et se le passe sur le visage.

La buŽe appara”t ˆ nouveau sur le miroir qui fait sĠeffacer son reflet.

Balthasar Žtale la mousse sur son visage, puis laisse glisser sa main pleine de mousse le long de son cou, de sa poitrine et de son ventre.

La porte sĠouvre.

simon

OhÉ pardon.

Simon referme la porte.

Balthasar, la main sur le ventre, couvert de mousse ˆ raser reste paralysŽ.

Puis dĠun geste brusque, saute dans la baignoire et se frotte frŽnŽtiquement le corps.

13 -        salon / int. soir

Catherine (off)

Balthasar.

Balthasar tend son assiette ˆ sa mre.

Toute la famille est ˆ table.

Catherine sert Balthasar puis lui rend son assiette.

Balthasar regarde discrtement vers Simon.

Simon

        (Ë Catherine)

Ca tĠallait mieux, les cheveux courts.

Catherine

        (Coupant court)

Ton assiette.

Simon lui tend son assiette, et la regarde le servir, puis se sert un verre de vin.

 Maurice

QuĠest-ce que tĠes venu faire ici ?

Simon

CĠest aussi mon pre.

Silence.

Maurice

Il nĠa jamais eu envie de te revoir.

Tu es mort le jour o tu as quittŽ cette maison. Pour nous tous.

Victoire

Maurice, sĠil te pla”t ! Pour une fois quĠon est ensemble.

Maurice

Et si tĠespres aprs lĠhŽritage, je te prŽviens tout de suite, tĠes venu pour rien.

Simon sĠallume une cigarette.

Simon

Rien nĠa changŽ, iciÉ

      (Ë Balthasar)

A part toiÉ

Balthasar, blmissant regarde Simon. Simon lui sourit.

Simon

Tu te fais pas trop chier ici ?

Balthasar ne rŽpond pas.

Simon

Comment a se passe ˆ lĠŽcole ?

Balthasar

Ca va.

Simon

TĠas une amoureuse ?

Balthasar rougit. Il fait non de la tte.

Simon

TĠen as combien alors ?

Balthasar

JĠen ai pas. JĠaime personne.

Balthasar regarde son pre du coin de lĠÏil, qui mange sans rien dire.

Balthasar

Sauf Dieu.

Simon

Elles sont si moches que a ?

Moi ˆ lĠŽcole jĠy allais pour une seule chose : embrasser les filles. 

Balthasar fronce les sourcils. Ne sachant quoi rŽpondre, il se tourne vers sa mre.

Catherine

            (GnŽe)

Mange, Balthasar, mange.

14 -        chambre mortuaire / int. nuit.

Le mort, le visage dŽtendu, est allongŽ sur son lit.

Simon se tient debout devant le cadavre de son pre. Lentement il se penche pour le regarder de prs.

Simon

PapaÉ

Simon prend dŽlicatement la main de son pre et lĠapproche de son visage.

simon

Tu vois, je suis venu te rendre une dernire visite.

DĠici quelques heures, on va tĠenterrer.

Je voulais juste que tu saches que tĠas bien rŽussi ˆ foutre ma vie en lĠair.

Simon se redresse.

Simon

Maintenant je nĠattend plus quĠune chose : que les  vers puissent enfin commencer leur travail.

15 -        chambre Maurice et Catherine /int. soir.

Mo•se, le caneton de Balthasar marche sous un lit.

Balthasar (off)

Mo•se!

La tte de Balthasar appara”t de lĠautre c™tŽ.

Balthasar

          (Chuchotant)

Allez viens iciÉ

Le caneton ne bouge pas.

Balthasar

Mo•se ! 

Balthasar se glisse sous le lit. Le caneton essaye de sĠŽloigner mais Balthasar parvient ˆ lĠattraper.

Balthasar

Pourquoi tu mĠas dŽsobŽi ? Je tĠai dŽjˆ dit de rester dans ta chambre !

Le caneton couine.

Balthasar

Tu mŽriterais que je te punisse. Heureusement que je suis É

Balthasar sĠimmobilise soudain.

La porte de la chambre sĠouvre.

Balthasar, par rŽflexe, se dissimule entirement sous le lit, son caneton contre ses bras.

Maurice et Catherine entrent. Maurice ferme la porte tandis que Catherine va sĠasseoir sur le lit.

Balthasar voit les pieds de Catherine ˆ quelques centimtres de lui. Elle retire ses chaussures puis se relve.

Catherine (off)

Il a peut-tre changŽ.

En quinze ans, il a dž sĠen passer des choses.

Balthasar entend Maurice, ˆ lĠautre bout de la pice ouvrir le robinet de leur salle de bain.

Balthasar voit les pieds nus de sa mre marcher vers lĠarmoire. Elle enfile une longue chemise de nuit blanche et revient sĠasseoir sur le lit.

Balthasar voit la culotte de Catherine tomber sur le parquet. Catherine entre dans le lit.

Le bruit du robinet sĠarrte. Maurice sort de la salle de bain et se dirige vers Catherine.

Maurice (off)

Il est venu parce quĠil a besoin dĠargent.

Catherine (off)

QuĠest ce que tĠen sais ?

Maurice  (off)

Un vaurien a restera toujours un vaurien.

Le canard couine. Balthasar, apeurŽ, lui pose la main sur le bec.

Catherine (off)

           (Chuchotant)

Tu viens ?

Maurice (off)

Je vais veiller.

Catherine (off)

Maurice. Reste.

Maurice (off)

Tu crois vraiment que cĠest le momentÉ

Catherine (off)

CĠest jamais le moment.

Silence de quelques secondes.

Maurice (off)

Bonne nuit.

Balthasar, crispŽ entend la porte sĠouvrir et Maurice sortir.

Quelques secondes passent. Balthasar commence ˆ entendre des sanglots. Catherine pleure.

Catherine (off)

Mon DieuÉ

Ses sanglots se font de plus en plus forts. NĠen pouvant plus, elle se lve et va dans la salle de bain.

Balthasar tŽtanisŽ rel‰che son Žtreinte.

Mo•se tombe par terre, mort.

16 -        CIMETIéRE / ext. matin

Un soleil Žclatant inonde le cimetire.

Un oiseau chante.

Toute la procession est ˆ lĠarrt.

pre Jean

Satan un jour vint voir lĠEternel et lui dit : 

Est-ce dĠune manire dŽsintŽressŽe que Job craint Dieu ?

Etends ta main, touche ˆ tout ce qui lui appartient, et je suis sžr qu'il te maudit en face. 

Un vent commence ˆ animer les feuilles des arbres.

Devant le cercueil, deux reprŽsentant des pompes funbres attendent. LĠun dĠeux discrtement regarde sa montre, impatient.

Pre jean (off)

Mais lorsque le diable dŽtruisit tout le troupeau de Job, bržla sa rŽcolte et fit pŽrir ses enfants, Job au lieu de maudire le seigneur, se prosterna :

- Je suis sorti nu du sein de ma mre, et nu je retournerai dans le sein de la terre. L'ƒternel a donnŽ, et l'ƒternel a ™tŽ; que le nom de l'ƒternel soit bŽni!

Balthasar le visage renfrognŽ se tient debout ˆ quelques pas de Victoire, serrŽe contre Maurice, sto•que.

Maurice regarde les diffŽrentes personnes venues assister ˆ lĠenterrement.

Balthasar observe sa mre, seule dans un coin, en train de regarder le dos et les Žpaules de Simon.

Simon, quant ˆ lui, observe, avec beaucoup dĠŽmotion, les deux reprŽsentant prendre le cercueil et le descendre en terre.  

17 -        entree cimetiere / ext. matin.

Une dizaine de personnes sont attroupŽes ˆ lĠentrŽe du cimetire, autour de Victoire, Maurice et Catherine.

Un ˆ un, ils saluent et partent.

AdossŽ ˆ un muret, Balthasar les yeux plissŽs par la lumire du soleil, observe le mouvement des nuages.

Simon sĠapproche de lui.

Simon

QuĠest ce que tu regardes ?

Balthasar

Rien.

Simon

On se fait toujours chier aux enterrements.

Simon ˆ son tour lve les yeux vers le ciel.

Simon

Tu diras au revoir ˆ tout le monde de ma part.

Balthasar tourne les yeux vers lui.

Simon

JĠai pas trs envie de les revoir.

Simon tend la main ˆ Balthasar.

Balthasar le regarde sans rŽpondre. Le sourire de Simon sĠefface.

Simon

Fais pas comme ton pre Balthasar. Tu vas g‰cher ta vie avec ces principes ˆ la con. Tu nĠarriveras quĠˆ te faire du mal, ˆ toi, et ˆ ceux qui tĠaiment.

Balthasar

Va-t-en.

Simon met ses mains dans ses poches et sĠŽloigne.

Balthasar reste les yeux baissŽs.

18 -        champ / ext. aube

Le jour se lve sur la vigne.

Une procession dĠenfants de chÏurs avance au loin, en chantant.

Sur le sol boueux, Balthasar, dans son joli costume, marche pŽniblement derrire son pre, un cartable trs lourd sur le dos.

Son pre, deux mtres devant lui, avance dĠun pas rŽgulier, un b‰ton ˆ la main. 

Les pieds de Balthasar sĠenfoncent dans la boue.

Maurice continue dĠavancer.

Balthasar lve les yeux au ciel. Il voit un oiseau traverser le ciel.

Balthasar titube par terre et se relve. Son joli costume est plein de boue. Il essaye de retirer la boue de son costume. Il se rend alors compte que ses pieds sĠenfoncent inexorablement dans le sol.

Balthasar nĠarrive pas ˆ dŽcoller ses pieds du sol. Il ˆ de la boue jusquĠau tibia. Il essaye vainement de les en sortir.

Balthasar se dŽbarrasse de son cartable quĠil laisse tomber dans la boue.

La silhouette de Maurice sĠŽloigne.

Au loin des cloches sonnent.

Balthasar

Papa !

Maurice continue sa route.

Balthasar (hurlant)

Papa !

Maurice se retourne. Il a les yeux crevŽs.

19 -        chambre Balthasar / ext. jour

Balthasar devant lĠarmoire ouverte retire son costume et le range. Il est torse nu face au miroir qui couvre la porte. Il se regarde. Derrire lui dans le reflet, il voit une ic™ne accrochŽe au mur, reprŽsentant le Christ. Ses yeux semblent le regarder. Balthasar fixe lĠimage.

Des couinements se font entendre dans la pice.

Balthasar se dirige vers une bo”te dont il soulve le couvercle.

Ses deux canetons sont en train de sĠagiter. A c™tŽ dĠeux, Mo•se, dont on ne lit plus que quelques lettres du nom, g”t, mort.

Balthasar le prend dans sa main.

Puis mŽcaniquement il ouvre la fentre et le jette au loin.

Le caneton atterrit par terre.

Un chat sauvage, ˆ quelques mtres, tourne la tte.

Balthasar regarde le chat se diriger vers le caneton, puis il balaye le paysage du regard.

Plus loin, dans la vigne, Balthasar voit la silhouette de Maurice faire quelques pas dans la vigne et commencer ˆ tailler quelques plants.

20 -        salle de bain / Int. Jour

Catherine devant le miroir de la salle de bain, se passe de lĠeau sur le visage. Elle se regarde, puis ramne ses cheveux en arrire, ˆ la garonne.

Puis elle  les rel‰che, et retrouve son air sŽvre.

21 -        salon / Int. Jour.

Sur la page nŽcrologique, on peut lire un petit encadrŽ de quelques lignes, sur la mort du Ç regrettŽ Gabriel Alfred THEVENIN È

Maurice est ˆ table, en train de lire le journal rŽgional.

Victoire est en train de poser les couverts sur la table. Catherine entre un saladier ˆ la main.

Catherine

Balthasar! A table.

 

Elle pose le saladier  sur la table.

Catherine

Laisse, je vais le faire.

Victoire

           (Schement)

Non.

Echange de regards entre Maurice et Catherine. Maurice lui fait comprendre quĠil faut la laisser faire.

Catherine sert la salade.

Victoire renverse la bouteille de vin  sur la table. Au lieu de rŽagir, elle reste debout, immobile ˆ regarder le vin se rŽpandre.

Catherine prŽcipitamment ramasse la bouteille.

Victoire

     (Retenant un sanglot)

Je sais plus o jĠai mis le bouchonÉ

Catherine

Assieds-toi.

Catherine prend Victoire par les Žpaules et lĠamne ˆ la table. Victoire sĠassoit, les yeux dans le vide.

Maurice regarde sa mre.

Catherine

Balthasar !

 

Balthasar entre dans le salon, son manteau et son cartable sur le dos.

Catherine

O tu vas comme a ?

Balthasar  

A lĠŽcole.

catherine

Viens tĠasseoir au lieu de dire des btises.

Balthasar 

Non. Je vais ˆ lĠŽcole.

Balthasar ne rŽpond pas.

Maurice 

Viens manger. Pour lĠŽcole, on verra plus tard.

Balthasar

Non.

Maurice

BalthasarÉ

 

Balthasar soutient pendant un instant le regard de son pre. Puis ˆ contrecoeur sĠexŽcute.

Catherine

Et retire ton manteau. Tu vas pas manger comme a.

Balthasar

Ta gueule.

Balthasar nĠa pas le temps de rŽagir. Maurice lui donne une gifle qui le fait chanceler.

Maurice

         (En colre)

Je veux pas de ˆ.

 

Victoire Žclate en sanglots.

Balthasar reste interdit une seconde. Puis brusquement il balaye de sa main son assiette de salade.

Le costume de Maurice se retrouve couvert de sauce.

Maurice regarde son costume, puis trs lentement se redresse.
Balthasar, dŽpassŽ par la violence de son geste se recule.

Maurice retire sa chaussure quĠil prend dans sa main.

Maurice

Viens ici !

Balthasar fait non de la tte.

Maurice

Balthasar viens ici.

Balthasar recule.

Maurice

Si jamais tu sors dĠici, Balthasar, je te jure que tu vas le regretter.

Balthasar  se fige.  

Maurice fait un pas vers  lui.

Balthasar aussit™t se rue vers la sortie.

22 -        vigne /ext. jour. gris

Balthasar court en pleurant ˆ travers la vigne. Il Žcrase les plants naissants sur son chemin.

Balthasar

Je veux quĠils crvent. Tue les tous, comme tu as tuŽ Papy.

Balthasar arrive sur la route. Il sĠarrte essoufflŽ puis se retourne.

La maison est loin derrire lui.

Balthasar  reprend sa route.

23 -        ecole / Ext. jour

CĠest la sortie des classes.

Devant lĠentrŽe de lĠŽcole des parents attendent leurs enfants.

Balthasar est postŽ ˆ un angle de rue.

Il regarde sortir ses camarades de classe.

Nordine se dirige vers sa mre qui lĠattend, un pain au chocolat ˆ la main. Ils sĠembrassent.

Balthasar reste en retrait derrire son poteau.

Des coups frappŽs sur une vitre attirent son attention. Il tourne la tte.

A travers la vitre dĠune voiture, juste ˆ c™tŽ de lui, Fanny le regarde.

Balthasar, stupŽfait, nĠa pas le temps de rŽagir.

La voiture sĠŽloigne. Fanny continue ˆ le regarde par le pare-brise arrire. Elle lui fait un signe de la main avant de dispara”tre, masquŽe par une autre voiture.

Le soir commence ˆ tomber.

24 -        route campagne / ext. nuit

Balthasar avance en aveugle, dans la nuit noire et le froid. Les mains en avant pour Žviter les obstacles.

Ses pas provoquent des craquements sur le sol. Des cris dĠoiseaux rŽsonnent.

Balthasar lve les yeux au ciel. La nuit est parsemŽe dĠŽtoiles.

Au bout de quelques pas, il entend un souffle derrire lui.

Balthasar

          (Timidement)

Y a quelquĠun ?

Balthasar nĠosant pas se retourner continue dĠavancer. Le souffle continue. Puis un bruit de cloches.

Soudain Balthasar sĠarrte angoissŽ et, malgrŽ sa terreur, se retourne.

Deux Žnormes yeux marrons sont en train de le fixer.

Balthasar tŽtanisŽ sĠimmobilise.

Les deux yeux disparaissent avec un son de cloche. CĠest une vache.

Tout ˆ coup, des aboiements de chien se font entendre. Balthasar voit une masse sombre se prŽcipiter vers lui.

EffrayŽ, il part en courant vers la route. Il se cogne contre une cl™ture.

Le chien se rapproche trs vite.

Balthasar sonnŽ, ˆ deux doigts dĠtre mordu sĠempresse de sauter la cl™ture. Il trŽbuche et tombe dans un fossŽ boueux.

Il reste quelques instants immobile au fond du fossŽ.

Les aboiements du chien cessent.

Puis des bribes de voix humaines se rapprochent, menaantes.

Une lampe torche vient Žclairer le sol, passant ˆ c™tŽ de lui.

Balthasar terrŽ dans son fossŽ est recroquevillŽ sur lui-mme.

25 -          entree village / ext. nuit.

La croix de lĠŽglise surplombe majestueusement le village.

Balthasar, transi de froid et couvert de boue,  traverse la place du village, ŽclairŽe par des lampadaires. 

Il passe ˆ c™tŽ du bar, dĠo lĠon entend de la musique et de lĠanimation et se dirige vers lĠŽglise.

ArrivŽ devant la porte de lĠŽglise, il  sĠarrte.

La porte de lĠŽglise est cadenassŽe.

Balthasar  reste dans cet Žtat de torpeur pendant quelques instants. Puis sentant le froid et lĠhumiditŽ, il fait demi-tour.

26 -        facade maison / Ext. nuit

Balthasar  sonne ˆ la porte. 

La porte sĠouvre. CĠest Catherine.

Catherine aussit™t lui donne une gifle.  Balthasar la regarde, coupable. 

catherine

Ou est ce que tĠŽtais ?

Balthasar ne rŽpond pas.

Catherine 

Tu sais que ton pre est allŽ frapper chez tous les voisins pour savoir o tu Žtais.  Il tĠa cherchŽ partout.   Il est mme allŽ prŽvenir la police. Non mais tu te rends compte de ce que tu viens de faire ?

Elle le secoue violemment.

Catherine  (le secouant)

Hein ?

Balthasar les yeux baissŽs reste muet. Des larmes lui montent aux yeux.

Catherine, attendrie,  le prend dans ses bras.

Catherine

Tu nous as fait une de ces peurs BalthasarÉ

Ne refais plus jamais a.

Balthasar la tient serrŽe contre lui.

27 -        salle de bain / Int. Nuit

Balthasar dans la salle de bain, les cheveux encore mouillŽs, est en train dĠenfiler son pyjama.  

Il entend la porte dĠentrŽe sĠouvrir.

Machinalement, il sĠapproche de la porte de la salle de bain.  Il monte sur le rebord de la baignoire et voit, ˆ travers les carreaux qui surplombent la porte, son pre, visiblement ŽpuisŽ retirer son manteau.

NÔentendant rien, Balthasar entrĠouvre lŽgrement la porte de la salle de bain.

Il entrĠaperoit son pre assis sur le canapŽ du sŽjour, en train de retirer ses chaussures.

Maurice

CĠest tout ce quĠil tĠa dit ?

Catherine

Il nĠŽtait pas en Žtat dĠentendre quoi que ce soit. Il est encore sous le choc.

Catherine regarde son mari hŽsitante.

Catherine

Il croit que tu ne lĠaimes pas. 

Maurice reste sto•que. 

Catherine

Tu dois tre fatiguŽ. Je vais te prŽparer quelque chose ˆ manger.

Catherine se lve. Maurice reste tout seul sur le canapŽ, perplexe. 

Balthasar referme discrtement la porte de la salle de bain. Il pleure.

28 -        chambre Balthasar / Int. nuit

Balthasar est dans son lit, blotti dans ses draps.  Visiblement en train de rver, il se convulse dans son lit. 

Puis il ouvre les yeux.

 Son pre est assis face ˆ lui. Il le regarde.

 

NOTE DĠIntention

Lorsque jĠŽtais enfant, mes parents avaient accrochŽ dans ma chambre un tableau.

Tout ce dont je me souviens, cĠest quĠil y avait une paire dĠyeux qui se dŽtachaient sur un fond flou. Et que ces yeux me regardaient. JĠen avais terriblement peur. Ds que la nuit tombait, je rentrais dans un univers de cauchemars et de tŽnbres.

JĠai mis des annŽes ˆ comprendre dĠo venait cette peur.

 

 

Quelque chose de mal raconte lĠhistoire dĠun enfant dont  les parents, bien quĠils lĠaiment,  sont incapables de lui donner le moindre signe dĠamour. Ne se sentant pas aimŽ, lĠenfant est obligŽ dĠaller chercher refuge auprs de Dieu. JusquĠau moment o il rŽalise quĠil y a un manque chez lui.

 

Balthasar a toujours lĠimpression quĠil y a un regard posŽ sur lui. Pesant comme une chape de plomb au-dessus de sa tte.

Mais ce regard arrive aussi ˆ voir ˆ lĠintŽrieur de lui puisque Dieu, selon Balthasar, lit dans ses pensŽes comme dans un livre ouvert.

 

Par consŽquent, le fait mme dĠavoir une Ç mauvaise pensŽe È devient un crime en soi. Du coup, les rves prennent une ampleur considŽrable dans la vie de Balthasar.

Et la force du cinŽma, cĠest justement de pouvoir restituer la toute puissance de cette pensŽe Ç coupable È, puisquĠil nĠy a aucune diffŽrence concrte, dans un film ou sur un tournage,  entre une scne  rvŽe et une scne rŽelle : elles possdent toutes les deux la mme matŽrialitŽ.

 

Il aura beau fermer les yeux, il ne parviendra ˆ Žchapper ni ˆ ses dŽsirs, ni ˆ ses fantasmes. Et plus il tentera de leur Žchapper, plus son imagination bifurquera ˆ travers des chemins sinueux pour leur donner libre cours.

Ce qui va gŽnŽrer Žvidemment un fort sentiment de culpabilitŽ. LĠimpression diffuse dĠavoir fait quelque chose de mal, dĠinterdit et de rŽprouvŽ.

 

DIEU TE VOIT

 

LĠangoisse de Balthasar se rŽsume dans cette phrase.

Sauf que dĠun point de vue cinŽmatographique, ce nĠest pas Dieu qui voit Balthasar, mais le spectateur, par le biais de la camŽra.

LĠenjeu du film est lˆ. 

 

Parvenir ˆ restituer le sentiment que Balthasar, mme dans son intimitŽ la plus secrte nĠest jamais seul, quĠil  y a toujours quelquĠun avec lui, qui le regarde.

 

Faire en sorte quĠˆ certains moments du film, la camŽra Žpouse le point de vue de ce Dieu imaginaire.

 

QuĠˆ un moment, Balthasar, abandonnŽ par son pre, et par Dieu, perdu dans la nuit, se retourne et regarde la camŽra.

 

NĠaccorder aucune diffŽrence de traitement entre les scnes de rve et les scnes rŽelles.

 

LĠimage

 

Le film sera contrastŽ. En 35mm. Avec un fort piquŽ.

TournŽ en hiver, dans un cadre austre et rocailleux, lĠimage accordera beaucoup dĠimportance aux zones dĠombres, et aux contre-jours violents, sans pour autant tre sombre. Au froid soleil dĠhiver qui dominera lĠensemble du film et lui donnera un aspect monochrome, rŽpondront les deux scnes dĠŽcole trs colorŽes et chaudes.

Le format du film sera le 1,85 pour quĠil y ait toujours de lĠespace dans le cadre autour de Balthasar.

Plut™t des focales moyennes ou courtes, pour rŽduire au maximum les zones de flou en avant et arrire plan.

Les mouvements de camŽras seront prŽsents, et affirmŽs. Dans lĠidŽe de faire ressentir la prŽsence dĠun regard posŽ sur Balthasar.

Enfin, le gŽnŽrique de dŽbut sera fait ˆ partir de lithographies du 18me et 19me sicle, reprŽsentant des scnes bibliques.

La dernire de ces lithographies reprŽsentera deux yeux. La camŽra sĠapprochera de ses deux yeux, avant de passer au premier plan du film : Balthasar qui court, de dos, dans le gymnase, comme vu par ces yeux.

 

 

La musique

 

Elle sera composŽe par Daniel GLET, avec qui jĠai dŽjˆ travaillŽ prŽcŽdemment.

LĠidŽe est dĠessayer de restituer la peur de Balthasar, tout en utilisant des instruments qui sont plut™t associŽs ˆ la fte et ˆ lĠenfance. Orgue de Barbarie, cymbalum, instruments ˆ vents.

A priori, la musique nĠinterviendra que dans les scnes ou Balthasar est dans son univers, hors du cadre familial.