L'âge d'or - Luis BUNUEL - 1930

Quand j'étais petit, je n'étais pas physionomiste. Et souvent devant les films à la télévision, je confondais les personnages.   Les histoires me paraissaient donc confuses, mais j'ai fini par m'habituer au fait qu'un personnage pouvait mourir le matin, et aller à son propre enterrement, en larmes, dans l'après-midi.   Je me disais   que les films avaient leurs propres lois et que   ça devait être normal .

Quand j'ai vu « l'âge d'or », des années plus tard, j'ai   sans doute retrouvé ces sensations d'enfance. Qui ont rendu ce film si proche de moi.   J'ai aussi réalisé qu'il y avait un cinéaste derrière le film et qu'il y apportait son style.  

Une de mes scènes préférées est sans doute celle ou le préfet, déshonoré, se suicide, et qu'on le retrouve étalé sur le   plafond, bloqué par ce dernier lors de son ascension au paradis.   Les films ont leurs propres lois de gravitation. Et Bunuel était un créateur d'univers .

 

 

L'étrange incident - William Wellman

« L'étrange incident » figurait sur la même cassette vidéo que « l'âge d'or », qu'un ami m'avait prêtée.   J'ai vu ces deux films à la suite.

J'avais 17 ans. Et ce jour-là, j'ai eu envie de faire   du cinéma..

L'étrange incident est un film qui m'a profondément marqué, parce que pour la première fois, je voyais un film américain qui montrait un groupe se comportant de manière barbare. Un individu a raison. ; Le groupe a tort. Mais c'est le groupe qui triomphe. Et la justice s'adapte à la bêtise   du groupe. Une parodie de procès. Un lynchage. Pas de happy end, pas de concessions. Moi qui jusque là croyais le cinéma américain niais et moraliste, j'ai découvert, que des films pouvaient aussi exprimer autre chose : une vraie rage et une vraie révolte.

On pouvait faire des films engagés.

 

 

Los olvidados - Bunuel 1950

En sortant de la   salle, j'ai dû errer pendant une heure, tellement j'étais bouleversé. Encore une fois, j'étais touché par la révolte de Bunuel mais aussi par sa sincérité. C'est un film d'amour. Et puis sur le plan du scénario et de la mise en scène,   c'est un film exemplaire.

Un plan de ce film m'a beaucoup obsédé, celui où l'enfant, en colère,   jette un oeuf qui vient s'écraser sur l'objectif de la caméra, comme pour nous rappeler à notre position de spectateurs.

 

La nouvelle vague

Je n'aime pas la nouvelle vague pour les mauvaises influences qu'elle a apporté aux cinéastes de notre génération. Et pour son opportunisme et ses valeurs politiques. Quant à leur vénération du cinéma, elle est tout simplement stupide. Un des films que je déteste le plus est « A bout de souffle » que je trouve particulièrement réactionnaire et prétentieux.

Aujourd'hui, le seul que j'aime vraiment parmi tous ces cinéastes est Rohmer. Un des rares cinéastes aujourd'hui en France à faire des films politiques.

Je déteste aussi les films de Nicholas Ray, et la plupart des films noirs.

Je déteste les tontons flingueurs.   

J'ai aussi horreur des films sociaux anglais qui se complaisent à filmer la misère et la pauvreté. Le pire que j'ai vu étant « family life » de Ken Loach.

 

Viva La muerte - Fernando Arrabal

Après « Viva la muerte » j'ai voulu voir les autres films d'Arrabal, ils m'ont tous déçus. Mais après tout, il a fait ce film là, et c'est suffisant.

Arrabal est un poète. Un vrai. Son surréalisme dans « viva la muerte » n'est pas un exercice de style, il vient du fond de ses tripes. Arriver à raconter une histoire aussi personnelle (la sienne) avec autant de distance et de liberté me fait rêver.

Un enfant qui découvre que sa mère catholique à dénoncé son père communiste (dont il ne retrouvera jamais la trace) aux autorités franquistes. Et   qui   en même temps, continue à aimer sa mère et son père.

L'utilisation qu'il a faite des rêves m'a beaucoup influencée, ainsi que son usage incroyable de la musique. Rien que le générique de début est génial.

Des scènes d'un grand lyrisme, d'autres d'une crudité insoutenable. Et puis, quel plaisir de voir ce curé qui mange ses propres couilles avec autant de délectation.

 

L'esprit de la ruche - Victor Erice

Encore un film d'enfance. Et un film espagnol. Mais cette fois-ci, c'est le minimalisme qui en fait la réussite. Peu de plans, peu de sons, peu de dialogues. La musique est basée sur des comptines.

Un équilibre très réussi entre l'aspect intellectuel, et esthétique du film, et la simplicité et la naîveté du personnage d'Ana, si bien incarnée par la petite Ana Torrent. J'étais tombé amoureux fou de la petite Ana Torrent. Je l'ai redécouverte des années plus tard dans le film d'Amenabar, Tesis. Pour moi, elle restera la petite Ana qui ne fait pas la différence entre le rêve et la réalité.

La scène qui me touche le plus est celle du petit déjeuner et de la montre. Rien ne se dit et tout est dit.

 

D'autres films dont j'aimerais parler :   « Cabeza de vaca »   de Nicholas Echevaria, « Le porteur d'eau est mort » de Salah Abu Seif, « Frontière Chinoise » de John Ford, « Pipicacadodo » de Marco Ferreri, « Je t'aime je t'aime » d'Alain Resnais, « L'armée des ombres » de Melville, « Charulata » de Satyajit Ray, les films de Alexei Guerman, de Marcel Ophuls, de Preminger, de Gregory La Cava et de   tant dautres...