Les ongles noirs - un film de Jérôme Descamps

 

Synopsis écrit avant l’écriture du scénario, octobre 2008

Scénario de Jérôme Descamps
Librement inspiré d’Un cœur sous une soutane d’Arthur Rimbaud

Synopsis :
Trois jours à se cogner dans le réel…
Léonard, jeune prêtre solitaire de 20 ans est installé depuis un an dans un village entouré de forêts. Le quotidien de son sacerdoce lui pèse. Les jours et les nuits se confondent, les appréhensions se multiplient et une force irrésistible monte en lui.

Nuit :
Léonard n’a qu’un seul refuge, l’écriture. Enfermé dans une nuit du XIXe siècle, il est la proie d’un cauchemar récurent, un corbeau le surveille et l’empêche d’accéder aux mots. Il se débat, le cauchemar s’éloigne.

Jour :
Un dimanche de village : la Servante tue et prépare un lapin, Léonard enfile de précieuses chaussettes pourtant grises et trouées, une villageoise répète à l’harmonium pendant qu’une autre chante chez elle un Salve Regina, les enfants de chœur jouent aux osselets, la messe dominicale peut commencer.
Léonard ne peut pas entrer dans le chœur, un nouveau cauchemar l’assaille. Le Père Supérieur est là, assis au bout de la table et fait subir une suprême humiliation à Léonard, il ânonne un poème lu dans un carnet dérobé, Léonard s’écroule, le Père Supérieur profite de sa suprématie et du cou frêle de Léonard.

Le réel reprend ses droits, l’office peut commencer.

Promenade en forêt, un autre refuge de Léonard. Les arbres sont doux au toucher, la mousse du pied d’un chêne devient l’occasion d’une caresse.

Soir :
Léonard écrit au milieu de la table du dimanche.
Une apparition, Valentine est là devant lui, une peau claire, un cou fragile, des mains blanches, une vierge ? Non, une jeune femme… Le souvenir est plus que vivant, Léonard vibre.
La Servante entre avec un lapin rôti et c’est tout naturellement que Léonard lui donne les habits de Valentine, jusqu’à ce que la Servante rappelle Léonard au monde réel.

Nuit :
Dans la pénombre, Léonard, nu, est recroquevillé sur son lit. Une chemise en dentelle est installée devant lui, il porte les précieuses chaussettes.
La lampe à pétrole embrunit le plafond.

Jour :
Léonard traverse des prairies grasses. Il entre dans la chambre d’une pauvre ferme. Une vieille dame respire difficilement. Derniers sacrements. Un geste d’apaisement, les mains de Léonard sur les mains de la vieille dame, la vigueur et l’épuisement.

Un verre d’eau de vie avec le fermier et Léonard se laisse envahir par un souvenir du séminaire. Il lit son carnet de poésie, ses camarades chahutent sous la neige, lui volent son carnet et beuglent ses vers. La cloche retentit.

La forêt de nouveau, comme un abri des tourments. Un arbre enlacé par du lierre devient un bras centenaire et le lierre une veine saillante. Léonard écrit.

Soir :
La Servante astique le nécessaire de messe, elle veut convaincre Léonard de manger, il s’enferme dans sa chambre.

Nuit :
Léonard traverse le village. Dans la taverne, quatre jeunes hommes éméchés chantent, Léonard regrette de ne pas pouvoir entrer dans ce monde-là.

Dans sa chambre, il boit un verre de vin. La porte s’ouvre, un souvenir fait irruption. Des jeunes séminaristes grimés outrageusement mime une poésie de Léonard, c’est farcesque et cruel. Léonard se nourrit de cette vision et écrit dans son carnet.

Jour :
Toilette et petit miroir, Léonard prend le temps de regarder son corps. Il enfile les chaussettes, Valentine est devant lui, elle rejoue le don de ce cadeau magnifique : des chaussettes blanches à liseré bleu, Léonard ému caresse sans cesse les chaussettes devenues grises.

Léonard donne la communion aux fidèles, Valentine est dans l’église, elle a remplacé la statue de la Vierge Marie. Elle est nue sous un voile blanc. Léonard s’éloigne un peu plus du réel de sa charge bien qu’un enfant de chœur essaye de le réveiller au monde.

Dans le confessionnal, Léonard écrit encore et encore, une dame tousse, le quotidien résiste.

Nuit :
Léonard écrit quelques vers sur la chemise en dentelle.

Il la dépose sur l’édredon, il s’étend nu sur la chemise et fait l’amour avec les tissus.

Jour :
Léonard écrit, referme le carnet qu’il laisse sur la table, il enfile une chemise et une veste, met un sac en bandoulière et saute par la fenêtre sans se retourner.

La Servante entre dans la chambre vide, elle lit : « Ici-bas, on ne peut se fier à personne ; les mortels ne caressent jamais de bonheur sincère ; de l’odeur même de la fleur surgit quelque chose d’amer, et les cœurs agités ne connaissent que des joies tristes ; jamais le plaisir n’y réjouit sans nuages, et une larme luit dans le rire incertain. »
Elle met le carnet dans son tablier, range la chambre, brûle la soutane laissée au sol ainsi que la chemise en dentelle.
Léonard traverse la forêt, se débat dans une haie de ronces et gravi une colline.
La route est devant lui, le ciel apparaît.

Dessin de Joël Brisse

 

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