NOTE D'INTENTION

 

Il y a quelques mois, je suis devenue maman. En naissant, mon fils a déplacé toutes les pièces de notre échiquier familial. Ma mère est devenue grand-mère. Un boulversement. Un nouveau jalon de la vie s'est posé sur le fil de l'existence de maman, délicatement, confortablement, en neuf mois.

Cette gestation fût pour elle, un temps de maturation intérieur et d'attente. De préparation aussi. C'est ce moment là que je souhaite raconter à travers mon court-métrage, cet instantané que je désire composer. Celui d'une femme mûre, jeune, active, actrice connue et reconnue, qui devient grand-mère.

Et tout ce que cet évènement trimballe avec lui d'espoirs et de vie : l'arrivée d'une nouvelle personne, un nouvelle personne à aimer, le retour de l'enfance à la maison, le miracle de la filiation, prendre soin, être utile, le poids d'un bébé dans ses bras... Mais aussi de lourdeurs : un coeur à la fois gonflé et pincé, la petite musique du passé, le compte et le décompte des années, le poids social d'un mot, la tentation des bilans...  

Pour raconter au mieux l'impact de ce grand événement à la fois banal et renversant dans la vie d'une femme, ce tumulte intérieur, ce bouillon d'émotions et de sentiments parfois contradictoires, j'ai ressenti le besoin d'écrire un film anti-statique, un film qui avance. Comme le temps. Comme la grossesse. Comme les enfants qui grandissent et qui partent. Comme les parents qui vieillissent et qui partent.

La marche en tant que métaphore de la vie, passée, présente et future, s'est donc imposée très vite. J'ai choisi de filmer un personnage qui marche en travaillant, en mémorisant un texte, quelqu'un qui bouge ses pieds pour faire marcher sa tête, qui, pas à pas, réveille son cerveau, sa mémoire, son imagination, qui traverse un rue et saute du coq à l'âne. Filmer une femme en activité, en efforts, tant physiques que mentaux, pour aller à la rencontre de son corps, de sa démarche, de son passé, de son intériorité.

Dans ce court-métrage le personnage marche pour se déplacer, de la façon de se mouvoir la plus simple et la plus émouvante. Il va, il se rend quelque part, à un rendez-vous, à pied. Le film ne raconte donc pas une errance mais un parcours, jonché de rencontres. Des rencontres qui éclairent les différentes facettes de notre héroïne : sa notoriété, son humour, sa fragilité, sa pertinence...

La scène du « marathon » imaginaire vient, par exemple, révéler sa grande timidité, et illustrer combien il est difficile pour une actrice célèbre de souffler quelques instants sur le bas côté. Quant au cours d'anglais, il convoque toute l'enfance de cette grand-mère à l'écriture de petite fille.  

L'alternance de séquences en milieu urbain et en milieu naturel, dans des décors   aux univers contrastés, permettra d'explorer les différentes dimensions du personnage. Sa vie intérieur, mise en scène en zone rural (forêt, chemin côtier, allée de peupliers), et sa vie réelle en zone urbaine. Des scènes « de ville » et « de campagne », aux traitements photographiques et sonores différents.

En effet, j'entends traiter les séquences urbaines de manière réaliste, en mettant en valeur le gris doux et bleuté des villes, ainsi que la rumeur plus ou moins agressive et entêtante de la circulation.

En revanche pour accueillir toutes les projections et les images mentales de la protagoniste, je souhaite filmer une nature aux couleurs vives et lumineuses. Mettre en valeur les dégradés de vert et marron en forêt, le bleu du ciel à travers les branches, le vert tendre et les violets de la lande. Mettre en scène une nature belle et amicale, de façon à montrer que si les pensées du personnage sont denses et profondes, elles ne sont pas graves pour autant. Cette femme n'est ni obsédée, ni oppressée, elle est habitée et ses pensées sont comme elle : libres, vivantes, empreintes de joie de vivre et de mélancolie.  

Quant au traitement sonore de ces séquences j'entends mettre en valeur et en parallèle, les bruits du corps et ceux de la terre : respirations, essoufflements, bruits de pas, coups de vent, bruissements de feuilles, craquements de branches et de coquilles... Et le silence.

Le choix de tourner et de raconter cette histoire en Bretagne est fondamental. Cette terre à toujours été pour moi un miroir de la nature humaine : belle à pleurer, dure, complexe, mystérieuse, douce et violente. De la grâce de la côte d'émeraude à la force brute du Finistère, la nature, aussi bien à l'intérieur des terres qu'aux abords de la mer, y est extraordinaire. Notamment au printemps, saison à laquelle je désire tourner.

D'autre part, c'est le pays de ma mère, Miou-Miou, c'est son enfance, son père, sa grand-mère, sa peur du froid, son amour de la mer, c'est l'endroit où elle revient. Souvent avec moi.  

 

 

Vous écoutez un extrait de la bande son du film. Musique: Pascal Sangla

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