L’amour à trois

Une femme raconte un moment très particulier de son couple : la grossesse. De son désir d’avoir un ventre jusqu’a ce que ce ventre ait pris toute sa taille, elle raconte sa vie sexuelle : son vagin de plus un plus loin de son champs visuel, son ventre qui prend trop d’espace, dans son lit, dans ses sentiments... Comment faire l’amour à deux quand on est trois ?

 

Synopsis

Tout commence par un désir à deux. Il y a lui. Il y a elle. Elle dit : « Je veux un enfant ». Rien que cette envie prend de la place dans le lit. Elle se colle à lui, tout au bord, tout au bord, laissant le lit presque vide pour cet enfant qu’elle désire. Leur rapport est court, efficace, il y a un but. Mais à la fin du mois, il y a du sang dans sa culotte. Ils recommencent. Il se colle à elle, laisse de la place dans le lit. Il veut cet enfant lui aussi. Leurs sexes collés ne font plus qu’un. Ils roulent. Mais il y a toujours du sang dans la culotte. Ils recommencent. Et finalement voilà, ça marche. Ils le savent. Dos contre dos, ils peuvent enfin dormir à deux, épuisés, ensemble, profiter pleinement de l’espace du lit. Avec leurs jambes ils explorent tout cet espace, jusqu’au moindre coin de drap. Ils ont neuf mois...
Automne... La nature brunit. Son corps aussi : cheveux, poils, pointes des seins. Elle partage avec lui cette splendeur, les seins comme des fruits mûrs, la peau comme du velours. Elle se trouve belle, désirable. Il la caresse, sa main est balladeuse, il découvre ce corps qu’il croyait connaître. Il pose fièrement sa main sur le ventre encore tout plat. Aux autres, elle dit avec orgueil : « Je suis enceinte !». Il y a lui. Il y a elle. Ils ont l’illusion de n’être encore que deux.
Hiver...
Un jour, le ventre est là. Il y a lui, il y a elle, et il y a le ventre. Elle le rencontre alors qu’elle est dans son bain : le nombril dépasse de l’eau ! Elle a beau tenter de l’immerger, rien n’y fait : ils sont deux dans cette baignoire ! Le ventre bouge un peu. Elle le voit.
Dans le lit, le ventre prend finalement cette place laissée libre quelques temps plus tôt. Le ventre est entre lui et elle. Elle dit : « Tu as vu ? Chez moi nous sommes deux ! Comment va-t-on faire maintenant ? ». Pour lui, ce ventre est un ventre. Il constate : « Si toi et ton ventre, ça fait deux, avec moi ça fait trois . Peut-on faire l’amour à deux même si on est trois ? » Il se rapproche, mais le ventre fait obstacle. Elle est distraite.
Elle s’assied dans le lit. L’eau du bain lui coule le long des cuisses et mouille les draps. Il sent que c’est mouillé. « Il doit penser que je suis très excitée ». Elle vérifie, cherche à tâtons sous les draps : son buste, sa taille, son sexe dressé. C’est un appel. Alors il se redresse lui aussi. Ils sont en vis-à-vis. Elle avec ses rondeurs, lui avec ses ardeurs. Il l’enlace, la caresse, la renverse et cherche à entrer en elle mais le ventre l’en empêche. Elle saisit son ventre, veut le remonter pour lui faire de la place. Mais il est trop dur, trop gros.
Pas de place...
Elle s’allonge sur le côté, son ventre prend tout l’espace. Lui est derrière elle et prend ses seins à pleines mains. Elle est toute excitée maintenant. Elle se frotte à lui, donnant des coups de fesses. Un petit coup deux petits coups trois petits coups. Il tombe du lit. Elle se redresse, surprise.
Pas de place...
Il y a un ventre de trop dans ce lit. Elle dit : « Mettons-le ailleurs ». Il est dessous, elle est dessus, le ventre en l’air, dressé vers le plafond. Entre ses cuisses, son sexe à lui est collé contre elle, dressé vers le plafond. Elle ne le voit pas, à cause du ventre. Elle pourrait le sentir mais elle est trop concentrée : le ventre est trop lourd. Elle fixe un point pour ne pas perdre l’équilibre. Mais le ventre tressaute : un coup, deux coups, trois coups, le hoquet. Elle panique, et tombe à terre.
Pas de place...
Epuisés, ils s’endorment. Lui dans le lit, elle par terre. Comme pour s’excuser, il pose sa main sur ce ventre qui les sépare. Ne pas perdre le contact, malgré tout.
Il neige dehors.
Depuis, sa main à lui ne quitte plus son ventre à elle, posée sur le nombril. Tous les deux au cinema, la main sur le ventre. Un bouquet de fleur pour les amis ce soir, la main sur le ventre. Chez les amis, la main sur le ventre.
La nuit, dans le lit, la main sur le ventre. Elle dit : « Tu ne voudrais pas descendre un peu de cette colline ? ». Il dort déjà. Doucement, elle fait glisser cette main d’homme, large et velue, jusqu’à son sexe de femme, large et velu. Mais la main remonte toujours sur la colline. Elle pense : « Y a-t-il encore quelque chose entre mes cuisses ? ». Elle se redresse, cherche à voir entre ses cuisses, mais m’y parvient pas. Dans la salle de bain, elle a posé un miroir par terre et se regarde. Mais le ventre est énorme, elle ne peut rien voir. Elle fouille avec ses doigts la toison noire. Le bord du vagin, et puis dedans. Oui, tout est en place. Oui, oui, oui...

Des arbres dénudés tournoient. Elle est seule, assise dans un square, les mains posées sur son ventre que recouvre un épais manteau. Autour d’elle des enfants jouent, crient, des mamans les appellent. Doucement elle déboutonne son manteau de laine, découvrant un gilet rouge. Elle déboutonne le gilet rouge. Un châle soutient le ventre. Elle baisse le châle, déboutonne le chemisier blanc. Elle met son ventre à l’air, le caresse tendrement. Elle dit : « Il fait froid dehors, mais je sais que dedans tu as chaud. Je te sens bien. Je n’arrive pas à imaginer ton visage, je ne te connais pas, tu m’es inconnu. Pourtant je suis si heureuse d’être avec toi. Aujourd’hui je vais te voir. Et je crois que je ne serais pas déçue ».

Elle est debout dans le métro. On lui cède une place. Mais elle reste debout. Elle dit : « Je ne suis pas fragile ».
Dans la rue avec son ventre, elle est tranquille, à l’aise. Dans la foule agressive de Pigalle, elle ne craint rien. Ce ventre la protège. Oh non elle n’est pas fragile, bien au contraire. Elle se regarde dans les miroirs des sex-shops. De l’autre coté de la vitrine la regarde une fille, cuir et talon, nombril à l’air et décolleté plongeant. Elle pense : « Cette fille vend son sexe mais je suis plus sexuelle qu’elle. Mes seins sont plus gros, plus pleins que les siens. Ma peau est plus douce et je sens bon. Mon utérus est un palace, le sien est un placard. Je pourrais me vendre moi aussi... Mais qui me prendrait ? »
Agitée par ces pensées, elle compose le code et s’enfuit dans l’escalier. Là-haut, chez l’échographiste, elle retrouve cette main velue qui se colle automatiquement sur la colline. Elle lui dit : « Merci d’être venu cette fois ». Elle remonte sa chemise, enlève sa culotte immaculée et s’installe. Tout est sombre. Seul l’écran diffuse une lumière froide. Les mots de l’échographiste sont  précis, médicaux. Il prend la main velue et l’enlève du ventre pour verser le gel bleu et poser sa sonde. Sur l’écran tout d’un coup apparaît une forme humaine. L’enfant est là, recroquevillé, le pouce dans la bouche. L’échographiste commente sans état d’âme le bon déroulement de cette fin de grossesse.
Le futur père et la future mère regardent cet écran, leurs mains se rejoignent, se serrent fort fort.

Ils ne se lâchent pas jusqu’à la maison.
A peine entrés, et toujours sans lâcher sa main, il soulève sa jupe et son autre main glisse directement au coeur des cuisses. Il dit : « Je veux vous sentir tous les deux, être avec vous deux à l’intérieur ». Dans le lit ils sont nus. Elle a les jambes serrées. Elle saisit le membre bandé de son homme et le guide vers elle. Elle ouvre grand les cuisses. Elle dit : « Viens. Il y a de la place pour tout le monde » (ou bien « viens, il y a plein de place », ou bien « viens, il y a de la place pour vous deux ») . Il dit : « J’avais oublié à quel point il fait chaud dedans, à quel point je suis bien ».
Ils se regardent. Ils se sourient. Ils s’embrassent.
Il y a elle, il y a lui, il y a leur enfant, et il y a la nuit d’hiver qui dehors se change en jour de printemps.

 

 

 

   

 

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